Ballade de l'aventurière
Quand j'étais toute petite,
Fille folle à moitié nue,
Je ne me collais pas, grâce à Dieu,
A la robe de ma mère.
Par-dessus souches et palissades
A démolir les jardins ! Ferrer les chevaux !
Et la nuit dans les villages voisins :
"Laissez-moi passer la nuit chez vous !"
J'ai grandi, droite comme une flèche.
Une fois, le jour finissait-sous un chêne
Noir, comme de la suie-
Un musicien errant avec une viole...
Endormis.............endormies fleurs et abeilles...
Enfin, comment nommer cela ?
J'ai vaincu ma pudeur féminine :
"Laissez-moi passer la nuit chez vous !"
Mes affaires d'insomnies !
Qui n'a pas conjugué avec moi le verbe ?
...Qui n'ai-je pas appelé
A cette école dévastatrice !
Il suffit de s'envelopper dans le pan de la cape
Adieu, miséreux et notables,
Comme sur le front un lourd manteau :
"Laissez-moi passer la nuit chez vous !"
ENVOI
Ô vous, les anges, autour de l'autel
Et toi, mère du petit enfant,
Je suis si lasse d'être joyeuse !
"Laissez-moi passer la nuit chez vous !"
2 avril 1920
Marina Tsvetaeva, Autres poèmes 1917-1920, dans Poésie lyrique (1912-1920) traduit du russe par Véronique Lossky. Editions des Syrtes 2015.