Sauf l'être humain
Changer de forme et de nature.
Etre n'importe quoi, sauf l'être humain :
la boue, la nèfle qui suppure,
la comète écrasée sur le chemin,
le torchon, le marteau, la herse,
les outils de la peur. Se dénigrer
comme une foule se disperse
après l'émeute. Indifférent, paré
contre l'assaut de la logique,
se faire marbre ou porcelaine ou plomb
puis, amoureux de la musique,
s'y dissoudre. Voler comme un ballon
sans âme et sans mémoire.
devenir tarentule ou vieux pinceau,
pour rien, pour le manque de gloire
qu'on trouve chaque jour dans le ruisseau.
Se savoir nul et anonyme
comme le baobab ou l'horizon.
Sans la pensée, l'azur s'anime
immortelle raison de l'irraison.
S'accepter simple clou, assiette ronde,
pierre endormie sur l'herbe ou bol de riz ;
ne faire aucun mal à ce monde
ni à ce temps, libéré de l'esprit.
Alain Bosquet, Un jour après la vie. Editions Gallimard 1984