Toute possibilité de souffler...
Toute possibilité de souffler comme de revenir en arrière lui étant retirée, ce vagabondage forcé lui donne l'illusion de couvrir des distances et d'avancer du même pas que la passion qui le conduit là où il trouvera peut-être ce qu'à défaut de chercher il avait longtemps attendu, mais quoi au juste il n'en sait rien, et c'est de son ignorance de la fin poursuivie qu'il tire la force de persévérer sur une voie qui en vaut bien une autre, même si elle semble destinée à faire trébucher plus qu'à être parcourue. En est-il d'ailleurs aucune qui puisse s'emprunter sans risque et mener dans la bonne direction ? L'explorateur d'une terre inconnue met autant d'énergie à en affronter les périls qu'à en reculer les limites : l'absence de repères, l'hostilité des éléments et d'une nature encore brute le stimulent plutôt qu'elles ne l'arrêtent.
De ce chaos désolé tout cependant l'engagerait à se détourner, si ce n'était ruiner le mouvement qui l'y a conduit, signer son échec avant même d'avoir échoué. Il lui faut donc aller son chemin jusqu'aux bornes extrêmes de l'endurance, dût-il se déchirer cruellement aux épines, traverser en suffoquant tous les feux de l'enfer pour ne déclarer forfait qu'à la veille d'en toucher le terme qui sera le moment de mourir comme chacun sans avoir établi sa preuve.
Louis René des Forêts, Ostinato, Mercure de France 1997