Epigramme. Au Prince/Al Principe
Si le soleil revient, si le soir descend
si la nuit a un goût de nuits à venir,
si un après-midi pluvieux semble revenir
d'époques trop aimées et jamais entièrement obtenues,
je ne suis plus heureux, ni d'en jouir, ni d'en souffrir ;
je ne sens plus, devant moi, la vie entière...
Pour être poètes, il faut avoir beaucoup de temps ;
des heures et des heures de solitude sont la seule
façon pour que quelque chose se forme, force,
abandon, vice, liberté, pour donner du style au chaos.
Moi, je n'ai plus guère de temps : à cause de la mort
qui approche, au crépuscule de la jeunesse.
Mais à cause aussi de notre monde humain,
qui vole le pain aux pauvres et la paix aux poètes.
*
Se torna il sole, se discende la sera,
se la notte ha un sapore di notti future,
se un pomeriggio di pioggia sembra tornare
da tempi troppo amati e mai avuti del tutto,
io non sono più felice, né di goderne né di soffrire :
non sento più, davanti a me, tutta la vita...
Per essere poeti, bisogna avere molto tempo :
ore e ore di solitudine sono il solo modo
perché si formi qualcosa, che è forza, abbandono,
vizio, libertà, per dare stile al caos.
Io tempo ormai ne ho poco : per colpa della morte
che viene avanti, al tramonto della gioventù.
Ma per colpa anche di questo nostro mundo umano
che ai poverti toglie il pane, ai poeti la pace.
Pier Paolo Pasolini, La religione de mio tempo (La religion de mon temps) dans La Persécution, poèmes choisis, présentés et traduits de l'italien par René de Ceccatty. Editions du Seuil 2014