Poème qui se termine par une mort/Poem ended by a death
Ils laveront sur toi tous mes baisers, effaceront mes marques
et mes pleurs -je pleurais plus facilement
lors de cette folle vie toute pimentée -et les taches plus heureuses,
fines écailles de papier de soie... Il est merdique ce début
de pacotille, et faux en plus - toutes les traces de ce genre
tu les as toi-même poncées, il y a des années de cela
quand tu m'as renvoyé mes lettres, la semaine où j'ai épousé
ce singe anecdotique. Donc je recommence. Donc :
Ils ôteront les tubes, les goutte-à-goutte, les pansements
que je censure dans mes rêves. Ils ne manqueront pas, c'est vrai
de te laver ; et ils te déposeront dans une boîte.
Après quoi tout ce qu'ils pourront faire d'autre
n'aura pas d'importance. C'est ça, mon style laconique.
Tu le louais, tout comme je louais la complexité
de tes broderies perlées ; ces liens nous entrelaçaient,
mailles endroit, mailles envers tissées sur la charpente de l'univers...
*
They will wash all my kisses and fingerprints off you
and my tearstains -I was more inclined to weep
in those wild-garlicky silk... Fuck that for a cheap
opener ; and false too -any such traces
you pumiced away yourself, those years ago
when you sent my letters back, in the week I married
that anecdotal ape. So start again. So :
They will remove the tubes and drips and dressing
which I censor from my dreams. They will, it is true,
wash you ; and they will put you into a box.
After which whatever else they may do
won't matter. This is my laconic style.
You praised it, as I praised your intricate pearled
embroideries ; these links laced us together,
plain and purl across the ribs of the world...
Fleur Adcock, The Inner Harbour, Le port intérieur (1979), dans Anthologie bilingue de la poésie anglaise, Trad divers, Collections La Pleïade, Editions Gallimard 2005