C'est mais personne ne sait quoi.
C’est mais personne ne sait quoi.
C’est ici, c’est là,
c’est loin, c’est près,
c’est profond, c’est élevé ;
c’est ainsi : ce n’est ni ceci ni cela.
C’est lumière, c’est clarté,
c’est tout obscurité,
c’est innommé,
c’est inconnu, sans commencement et sans fin ;
c’est un lieu silencieux qui s’écoule, indéfini.
Qui connaît sa maison ?
Qu’il en sorte celui-là,
et nous dise quelle est sa forme !
Deviens comme un enfant,
deviens sourd, deviens aveugle !
Le quelque chose qui est tien
doit devenir rien ;
quelque chose ou rien : tout va au-delà.
Laisse le lieu, laisse le temps,
laisse aussi l’image !
Va sans chemin
sur le sentier étroit : ainsi viens-tu à la trace du désert.
Ô mon âme !
Sors ! et entre en Dieu ;
enfonce le quelque chose qui est mien
dans le rien de Dieu !
Enfonce-le dans les flots sans fond !
Que je m’enfuie de toi,
et tu viens à moi !
Que je me perde, et je te trouve,
ô bien super-essentiel !
Auteur inconnu, Poème mystique du XIIIe siècle, extrait de Le Miroir des âmes simples et anéanties, Spiritualités vivantes, Albin Michel, Traduction de Max Huot de Longchamp, Paris, 2011.
Photo : Jan Dibbets, Wayzata window 1988