Lucidité

Publié le par Fred Pougeard

Efforts illusoires en vue de me reconstruire,
D'hypertrophier mon intellect.
Je suis comme toutes ces femmes de la campagne
 
Entre maison et jardin, enfant et animaux.
J'ai désormais le sentiment que je suis définitivement
Comme je suis. Je ne changerai pas.
La vie se joue jour après jour.
Et j'ai beau avoir la nostalgie de pays plus faciles,
 
Je n'échapperai jamais à ce pays de sable,
Sur la colline devant la maison on m'enterrera un jour.
Alors on dira : elle s'était acceptée.
Le solde tombe juste. Doit et avoir,
 
Elle a poétiquement trouvé leur équilibre.
Elle a laissé de petits livres de chansons.
Simplement je sais que j'étais faite pour autre chose. 
Mais je n'ai jamais pu prendre les décisions
 
Qu'il fallait pour aller plus loin,
Pour quitter le cercle brumeux du pays natal et de la maison.
 
Rester debout sur un sommet glacé,
Mes forces n'y ont pas suffi.
 
Et parce que tant me ressemblaient
A mon époque, sous les fardeaux de ma vie,
Il me semblait parfois dans les années de bonheur
Que c'était bien ainsi et que chanter n'était pas vain.
 
La mentalité des petites gens,
Cet amour de l'ordre qui tient les maisons
M'ont dominée. Il est à présent trop tard
pour ouvrir des drailles dans l'indéfriché.
 
Eva Strittmatter, Parlure à deux dans Des Jours  au-dessus du rêve, choix de poèmes établi et traduit par Paul Cambon Editions de l'Amandier 2012
 
 
 
 
 

 

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