Poème
Le mystère -c'est la voix étouffée des ramoneurs derrière les murs et le parcours de la Grange-Batelière sous l'Opéra.
La peur -c'est un roulement de tombereau, la nuit, dans les bois où ne passe aucune route.
La douceur -c'est un vol de chouette, sous le taillis, au crépuscule.
Le contentement -c'est l'odeur d'une blonde qui, lente, efface ses bas noirs.
L'angoisse -c'est la congestion, comme une émeute violette, sur le bitume où bouge un soleil ahurissant.
L'été -c'est l'ombre de la jarre qu'emperle son frais et cette parole qui traverse encore le dédale des vacances.
L'Île-au-Trésor -c'est la touffe de parfums entre tes cuisses -salées.
Le désir -c'est la flèche de rubis qui vole par-dessus l'Orénoque en flammes et décochée sans bruit.
L'amour -c'est ce pays à l'infini ouvert par deux miroirs qui se font face.
L'enfance -c'est la clef rouillée que cachent les buis -celle qui forcerait toutes les serrures.
Le rêve -c'est l'instant où tombe enfin la robe des clairières.
La plus belle récompense de l'homme -c'est encore son sommeil.
Et le mien tarde bien à venir.
André Hardellet, La Cité Montgol, Editions Seghers 1952