Chacun s'en va comme il peut...

Publié le par Fred Pougeard

Chacun s'en va comme il peut,
les uns la poitrine entrouverte,
les autres avec une seule main,
les uns la carte d'identité en poche,
les autres dans l'âme,
les uns la lune vissée au sang
et les autres n'ayant ni sang, ni lune, ni souvenirs.
 
Chacun s'en va même s'il ne peut,
les uns l'amour entre les dents,
les autres en se changeant la peau,
les uns avec la vie et la mort,
les autres avec la mort et la vie,
les uns la main sur l'épaule
et les autres sur l'épaule d'un autre. 
 
Chacun s'en va parce qu'il s'en va,
les uns avec quelqu'un qui les hante,
les autres sans s'être croisés avec personne,
les uns avec la porte qui donne ou semble donner sur le chemin,
les autres par une porte dessinée sur le mur ou peut-être dans l'air,
les uns sans avoir commencé à vivre
et les autres sans avoir commencé à vivre.
 
Mais tous s'en vont les pieds attachés,
les uns par le chemin qu'ils ont fait,
les autres par celui qu'ils n'ont pas fait
et tous par celui qu'ils ne feront jamais.
 
                                                                                         Segunda Poesía vertical (69,II)
 
Roberto Juarroz, Poésie verticale, traduit de l'espagnol (Argentine) et présenté par Roger Munier. Librairie Arthème Fayard 1980 et 1989.

 

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