Pour la gloire à venir

Publié le par Fred Pougeard

Pour la gloire à venir, la gloire héréditaire,

La haute lignée des humains,

J’aurai perdu ma coupe à la table des pères,

La gaieté, l’honneur, tout enfin ...

 

Le siècle, loup-cervier, bondit sur mes épaules ...

Ô siècle, je ne suis point loup et je t’en prie,

Comme on fourre un bonnet dans une manche molle,

Mets-moi sous ta pelisse au chaud en Sibérie.

 

Cache à mes yeux la boue aux lâchetés cruelles,

Ainsi que cette roue aux sanglants ossements,

Pour que je voie, en leur splendeur originelle,

Les chiens bleus consteller l’immense firmament.

 

Emporte-moi là-bas où coule l’Iénisséi,

Où vers l’étoile d’or un haut sapin s’allonge,

Car je n’ai pas la peau d’un loup et je ne sais

Sans déformer ma bouche énoncer des mensonges.

 

Ossip Mandelstam, dans Anthologie de la Poésie Russe, traduit du russe par Katia Granoff. Editions Gallimard 1993

 

 

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