Le témoin
Je parle pour des morts qui furent bergers
D'âpres vies mais porteurs de légende,
Dont les rêves traînaient des enfances légères,
Des miracles dans les labours émergeants,
Et dont les mains savaient tenir toute la terre
dans une pierre, un sein, une fougère.
Je parle pour une terre bleue très ancienne
Qui bat avec mon sang, qui teinte mon regard,
Ses collines ont lié sur mon cœur leur liane
Plus fort que les bras passagers de l'amour.
Je parle pour qui viendra demain jeune et dansant
Sur les chemins où mon ombre fut jeune
Et se penchera vers ces prairies et ces villages
Comme on se penche sur une femme pour l'amour.
Georges-Emmanuel Clancier, Une Voix. Editions Gallimard 1956
Photo : Anne et Georges-Emmanuel Clancier