L'Aumônier du Vercors

Publié le par Fred Pougeard

   
      Je me suis évadé, en 1940, avec le futur aumônier du Vercors. Nous nous retrouvâmes peu de temps après l'évasion, dans le village de la Drôme dont il était curé, et où il donnait aux Israëlites, à tour de bras, des certificats de baptême de toutes dates, à condition pourtant de les baptiser : "Il en restera toujours quelque chose..." Il n'était jamais venu à Paris : il avait achevé ses études au séminaire de Lyon. Nous poursuivions la conversation sans fin de ceux qui se retrouvent, dans l'odeur du village nocturne.
— Vous confessez depuis combien de temps ?
— Une quinzaine d'années...
— Qu'est-ce que la confession vous a enseigné des hommes ?
— Vous savez, la confession n'apprend rien, parce que dès que l'on confesse, on est un autre, il y a la Grâce. Et pourtant... D'abord, les gens sont beaucoup plus malheureux qu'on ne croit... et puis...
      Il leva ses bras de bûcheron dans la nuit pleine d'étoiles :
" Et puis, le fond de tout, c'est qu'il n'y a pas de grandes personnes..."
      Il est mort aux Glières.
 

André Malraux, Antimémoires (pp 9-10) Editions Gallimard 1967

Photo : André Malraux le 9 février 1972

 

   
 
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