L'idéale maison

Publié le par Fred Pougeard

J’AI BÂTI L’IDÉALE MAISON

                                                                        à Elisabeth Rohmer

 
 
Je l'ai proférée en pierre sèches, ma maison,
pour que les petits chats y naissent dans ma maison,
pour que les souris s'y plaisent dans ma maison.
Pour que les pigeons s'y glissent, pour que la mi-heure y mitonne,
quand de gros soleils y clignent dans les réduits.
Pour que les enfants y jouent avec personne,
c'est-à-dire avec le vent chaud, les marronniers.
 
C'est pour cela qu'il n'y a pas de toit sur ma maison,
ni de toi ni de moi dans ma maison,
​​​​​​​ni de captifs, ni de maître, ni de raisons,
ni de statues, ni de paupières, ni la peur,
ni des armes, ni des larmes, ni la religion,
ni d'arbres, ni de gros murs, ni rien que pour rire.
C'est pour cela qu'elle est si bien bâtie, ma maison.
 
 
IL Y A DE QUOI DANS MA MAISON
 
 
 
Il y a de quoi boire et de gros biftecks dans ma maison.
De quoi rire et de quoi s'aimer et de quoi pas.
De quoi passer sa rage et apaiser son temps.
De quoi faire attention et de n'y prendre garde.
Des fenêtres pour obstruer, des portes qui ferment clair.
Des arbres sans horizon et des beaux. Des bêtes à toutes voix.
 
Il y a place pour des animaux anges dans ma maison.
Pour des anneaux parfaits, pour les rêves qui débordent.
Pour de petits cœurs, du genre : soupirs de veau.
Place pour le feu et pour les pierres.
Pour du nuage en foule et pour la dent des rats.
​​​​​​​Il y aura place pour nous y étendre. 
 
André Frénaud, Passage de la Visitation (1946-1950) dans Il n'y a pas de paradis, poèmes 1943-1960. Editions Gallimard 1962
 
 
 
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :