Ce ruisselet

Publié le par Fred Pougeard

Tellement joyeux ce ruisseau.
Ruisseau ? Goutte d'eau au fond d'un chaudron.
Pas même besoin d'une planche
pour atteindre l'autre rive.
Un saut : je saute le courant.
C'est un filet d'eau pour crèche,
c'est la mer de qui n'a jamais vu
la mer, de qui n'a pressentiment de la mer.
 
Il est tellement fête, tellement folâtrie
de friture frétillant
dans la transparence de la lymphe.
Tellement miroir, tellement cailloux
chatoyant la lumière par facettes.
Quel est son nom ? Il n'a
pas de nom, tout menu
qu'il est. Eh oui il est, ce ruisseau
ce rien. Il est purement ru
ou même pas. Il est mon désir
d'une eau qui ne me noie pas
et dans laquelle je voie mon image
en me découvrant, me demander :
qu'est-ce que c'est que cet enfant ?
 
Qu'est-ce que c'est que cet enfant-là ?
Je ne sais comment répondre.
Le filet d'eau tremblote, trottine
sous la pierre lancée
par mon frère. Ou par moi ?
Il vaut mieux laisse le ru 
jouer à être rivière et s'en aller
promenant les petits poissons.
 
 
 
MAISON ET CONDUITE
 
 
 
Les parties lumière
et les parties noires
du vaste manoir
découpent en plein
milieu de mon coeur. 
 
Je suis l'un ou l'autre
mouvant caractère
selon la lumière
qu'en moi il infuse
ou qui se refuse.
 
Ange -de-splendeur,
petite crapule,
je n'ai pas contrôle
sur moi dans la cave
ou sur le balcon.
 
Serai-je les deux
à l'exact instant
où j'ouvre la porte,
encore hésitants,
et la porte et moi ?
 
Le vaste manoir
de lumière-et-d'ombre
c'est lui qui décide
comme jugera
de moi l'opinion
des grands, sans appel
pour mon moi confus
dans l'indéfinie tombée de la nuit.
 
Carlos Drummond de Andrade, Boeutemps III, 1979 dans La machine du monde et autres poèmes. Traduit du portugais (Brésil) par Didier Lamaison. Traduction revue par Claudia Poncioni Editions Gallimard 1990 et 2005
 
 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :