De la dignité d'une vie
Il ne reste qu'une seule clé
de la dignité d'une vie,
il faut enchaîner
celle qui ouvre la dernière chambre
à la poche du pantalon.
Mon père oublie
de remonter le bracelet-montre,
les aiguilles indiquent
l'éternel et le toujours.
Imperceptiblement
les pages du calendrier prennent
des raccourcis vers l'obscurité
si les infirmiers ne les tournent pas.
La radio
qui de préférence doit jouer du Bach,
reste scotchée sur le programme de musique classique
afin que les tons ne disparaissent pas
sept stations plus loin.
Scellée dans l'instant j'absorbe
ma dose de rêves—
j'écoute le chaos
jamais sans intérêt
de longs monologues
sobrement je sais
que le sang noircit.
Qu'il existe une deadline
sur cette terre
vertigineuse.
Pia Tafdrup, Les Chevaux de Tarkovski (2006), traduit du danois par Janine et Karl Poulsen. Editions Unes 2015
photo : Pia Tafdrup et Finn Tafdrup (1925-2005)