Oiseaux du matin
Je réveille la voiture
au pare-brise saupoudré de farine.
Je revêts mes lunettes de soleil.
Le chant des oiseaux s'obscurcit.
Tandis qu'un autre homme achète un journal
au kiosque de la gare
non loin d'un grand wagon de marchandises
entièrement rougi par la rouille
et qui scintille au soleil.
Pas de vides nulle part ici.
À travers la tiédeur printanière, un corridor glacial
où quelqu'un vient à grands pas
nous dire qu'on le diffame
même en plus haut lieu.
Par une porte dérobée dans paysage
la pie arrive
noire et blanche. Oiseau de Hel.
Et le merle qui s'agite de-ci, de-là
jusqu'à charbonner tout le dessin,
à part ces habits blancs sur une corde à linge :
un chœur de Palestrina.
Pas de vides nulle part ici.
Merveille que de sentir mon poème qui grandit
alors que je rétrécis.
Il grandit, il prend ma place.
Il m'évince.
Il me jette hors du nid.
Le poème est fini.
Tomas Tranströmer, Accords et Traces (1966) dans Baltiques, Œuvres complètes 1954-2004. traduit du suédois par Jacques Outin. Le Castor Astral 1996 et 2004 pour la traduction française. Poésie Gallimard 2004