La colocataire aux pieds nus

Publié le par Fred Pougeard

Et si ce n’était pas le froid du soir
qui nous pinçait les lèvres,
mais la marche qui reprend, se renouvelle
éveille un autre vent
et tous ceux en qui j’ai cru ?
Tu sais que je porte encore en moi l’envie
de m’en aller comme s’achève un film,
le soleil en plein visage, dans la musique qui monte,
et de laisser à vos cantons de sable
à vos allées de calme parfait
toute fureur.
*
Petite fille je claquais les portes…
Quand suis-je devenue la personne qui reste
assise, qui vide les étés
en contemplant la chambre depuis le balcon
et n’y pénètre que pour voir
si le dernier fantôme ne l’a pas désertée lui aussi ?
J’ai un nouveau chien qui dort près de moi,
mais les soirs interminables sont de retour
les portes qui claquent dans mon dos
sans que leur fracas ne provoque de secousse…
Il faut avoir la nature de la personne qui reste
pour savoir garder les yeux ouverts sur les adieux
qui durent plus longtemps quand on les fait seul.
*
Dans chaque course, chaque emportement de la vie
tu m’as manqué et tu me manques au long de ces années.
Lorsque je descends vers le bar des matins,
tous les matins semblables de l’hiver,
te chercher est comme un jeu pour espérer…
A chaque changement de saison, à chaque tournant
du regard et de l’âge, je ne t’ai jamais perdu…
Je te garde pour l’été, quand je monte
dans mes golfes d’ombre et m’en reviens
à la maison la nuit, jusqu’au moment de trouver
l’endroit exact où les roues
font se croiser tes chemins avec les miens,
car tant qu’il est encore possible de te rencontrer
le jour ne prend pas fin.
 
*
Une saison d’air
 
Je reste dans le désordre, l’été
revient avec ses matins solitaires.
Si tu m’avais perdue dans la rue
comme il arrive aux choses les plus importantes
quand par mégarde elles tombent d’une poche
ou pire encore quand on nous les vole,
c’eut été mieux que de t’appartenir encore
saine et sauve sur une étagère qui s’emplit
à mesure que s’accroît le monceau des heures.
Je bouge autour de toi comme la poussière
et tu ne m’as jamais entendu marcher.
*
C’est depuis toute la vie que je te regarde
comme ceux qui ne quittent plus l’eau
ou qui jouent à passer leurs doigts sur les flammes.
Tu es ce souvenir qui nous touche,
une sensation d’herbe sous les pieds,
le froid du sable dans les mains.
Ta voix ne s’éteint pas sous le vent
mais gagne tous les replis de l’ombre.
Chacun a sa propre star qui remplit de ciel…
Regarde juste devant toi, entre la pelouse et la lumière,
je suis la fan qui s’accroche à la barrière
pour ne pas tomber dans le vide des années.
*
Je suis la proie des jours à venir
des visages qui ne reviendront plus
chaque fois que le rire s’éteint.
Qu’en sera-t-il de nous… de tous les feux…
et de cette prière sous une pluie
si violente que les mains s’étreignent ? 
Puisse-t-elle fermer et ouvrir les fenêtres les étés les hivers
et toutes mes demeures, tous mes balcons…
Que mille soirs nous tombent dessus
comme au fil des années, l’un au fond de l’autre…
On meurt un peu pour donner force à la vie
si le temps doit devenir uni et compact
comme une pierre qui coule au fond.
*
Toutes mes années qui se ressemblent
je les aligne dans les cours et sur les balcons
comme à la fin de l’après-midi des jouets
qui restent là pour chavirer dans la nuit
puis passent des matinées entières à sécher
et perdent peu à peu leurs couleurs.
Chaque fois que je m’arrête j’établis ma demeure
et dans chaque maison je façonne une cour
avec ce qui reste des choses à l’abandon.
Mais peut-être n’est-il pas possible de vivre
qu’en l’un ou l’autre de ces états inapaisés,
celui qui habite toute chose et celui qui passe
depuis toujours, celui qui ressemble au vent et celui qui
   tient le rôle du mur.
*
Celui qui laisse passer le temps d’être heureux
se prive en premier lieu des rires
qui coupent le souffle, puis quelqu’un
descend dans son regard et le brunit
comme les couverts en argent dans les tiroirs.
Toujours le même âge le même jour…
Celui qui laisse passer le temps d’être heureux
ressemble à une maison de vacances
qui se prépare à vivre et à s’emplir,
sa façade enclose tout entière dans un éclair
qui jamais ne s’exauce en orage.
*
Le chien qui à mes pieds regarde l’aube
se repaît de ma chaleur et ferme les yeux
- me voici de nouveau seule jusqu’à ce seuil…
Comme les nids cachés dans le feuillage
les désirs fragiles qui élongent les mains de l’été
sont restés près des cimes sans connaître d’envol.
Si seulement ils avaient quitté les lumières marines,
le vent qui saisit au collet, le vacarme des routes
qui filent au bord du rivage…
Mais nous restons ici comme les radios
que l’on n’a pas éteintes, oubliées dans la nuit,
comme les enseignes dont quelques lampes sont mortes
mais qui s’efforcent encore de briller.
 

Isabella Leardini, Revue Europe n°949, Mai 2008

extrait de La coinquilina scalza, La Vita Felice editore, Milano (Italia), 2004

 

Merci au blog "Le bar à poème" pour cette splendide découverte

La coinquilina scalza
 
E se non fosse il freddo delle sere
a stringerci le labbra,
ma il passo che riprende si rinnova
ha un altro vento
e lutti quelli che ho creduto ?
Lo sai che ho ancora addosso quella voglia
di andarmene  come finisce un film
a sole in faccia nella musica che sale,
lasciare ai vostri angoli di sabbia
ai vostri viali di calma perfetta
ogni furore.
*
Da piccola sbattevo le porte…
Quando sono diventata una che resta
seduta, che svuota le estati
a guardare la stanza dal balcone
per vedere se rientrando
neanche l’ultimo fantasma se n’è andato ?
Ho un nuovo cane che dorme di fianco,
ma tornado le stesse sere lunghe
le porte che sbattono addosso
senza la scossa accesa del fragore…
Bisogna avere la natura di chi resta
per sape tenere gli occchi sugli addii
che durano di più a farli da soli.
*
In ogni corsa, ogni impennata della vita
mi sei mancato e mi manchi per anni.
Nell’uscire verso il bar delle mattine
tutte le mattine uguali dell’inverno
cercarti, come un gioco per sperare…
Ad ogni cambio di stagione, ad ogni svolta
degli occhi e dell’età non ti ho più perso…
Ti tengo per l’estate quando salgo
nei miei golfi di buio e quando torno
di notte verso casa e fino a quando
non passo il punto esatto in cui le ruote
incrociano le mie con le tue strade,
finché c’é ancora modo di incontrarti
non è finito il giorno.

 

*
Una stagione d’aria
 
Rimango nel disordine, l’estate
ritorna con le sue mattine sole.
Se tu mi avessi persa per la strada
come capita alle cose più importanti
quando cadono per sbaglio dalle tasche
o ancora peggio vengono rubate,
sarebbe stato meglio che restarti
in salvo su un ripiano che si riempie
che cresce con il muccchio delle ore.
Mi muovo attorno a te come la polvere
e non mi hai mai sentito camminare.
*
E’ da tutta la vita che ti guardo
come quelli che si fissano sull’acqua
che giocano le dita sulle fiamme.
Tu sei quella memoria che si tocca
il senso dell’erba sotto i piedi,
il freddo della sabbia tra le mani.
La tua voce che col vento non si spegne
raggiunge tutti gli angoli del buio.
Ognuno ha la sua star che riempie il cielo…
guarda a un passo tra il prato e la luce,
sono la fan che stringe la ringhiera
per non cadere nel vuolto degli anni.
*
Sono preda dei giorni che verranno
dei volti che non torneranno più
ogni volta che il redere si spegne.
Cosa sarà di noi… di tutti i fuochi…
e di questo pregare in una piogga
tremenda, da far stringere le mani,
che chiuda e apra finestre estate inverni
e lutte le mie case, i miei balconi.
Che ci cadano addosso mille sere
come negli anni, una dentro l’altra…
Si muore un po’ per vivere più forte
se il tempo deve farsi un tempo solo
tutto pieno come un sasso che va a fondo.
*
Tutti i miei anni identici li lascio
in fila nei cortili e sui balconi
come i giocattoli che a fine pomeriggio
rimangono per prendersi la notte,
e passano i mattini ad asciugare
e perdonno colore a poco a poco.
Ogni volta che mi fermo faccio casa
in ogni casa faccioi i miei cortili
di roba abbandonata che rimane.
Ma forse si puo vivere soltanto
in queste due nature senza pace
chi in ogni cosa abita e chi passa
da sempre, chi fa il vento e chi fa il muro.
*
Chi perde il tempo di essere felice
per prima cosa perde le risate
che tolgono il respiro, poi qualcuno
scende dentro lo sguardo lo fa nero
come l’argento chiuso nei cassetti.
Sempre la stessa està lo stesso giorno…
Chi perde il tempo di essere felice
ha l’aria di una casa stagionale
che si prepara a vivere e riempirsi,
tutta la fronte chiusa dentro un lampo
che non si compie mai nel temporale.
*
Il cane che ai miei piedi guarda l’alba
si prende il mio calore e chiude gli occhi.
Di nuovo sola fino a questa soglia…
I desideri fragili che allungano
le mani dell’estate sono ancora
nascoti come i nidi tra le foglie
sono rimasti in alto e senza voli.
Via dale luci d’acqua e dai frastuoni
delle strade che filano sul mare,
via dall’aria che prende alla schiena…
Ma noi restiamo qui come le radio
dimenticate accese in piena notte,
come le insigne che hanno perso qualche luce
ma cercano lo stesso di brillare.
 
La coinquilina scalza, La Vita Felice editore, Milano (Italia), 2004
 
 
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