Joie
D'abord c'est la joie,
passée en fraude par delà la frontière
à travers un tunnel étroit.
La nuit s'est achevée, noyée dans la mer,
ensevelie dans la terre,
des milliers d'années passées seule.
Des odeurs qui déjà existaient,
enserrent étroitement,
les chevaux ronflent dans l'écurie.
S'éveiller avec la lumière,
voir le jeu d'ombre sur le papier peint,
entendre les oiseaux dans les buissons et le lierre.
Les voix des adultes et les rires,
une piste d'atterrissage sûre
de l'autre côté du mur.
D'abord c'est le jardin du matin
au soleil
le cœur en est illuminé.
Les pommes tombent dans l'herbe chaude,
les insectes montent
de la profonde couronne des fleurs.
D'abord c'est l'ouverture,
qui bientôt se ferme,
sans visage.
D'abord c'est la confiance,
facilement avalée
par une peur galactique.
D'abord c'est la joie
nouvelle-née qui se jette
à la rencontre du monde, le rêve.
Puis le chagrin arrive, puis la colère arrive,
puis quelqu'un dit :
— N'en parlons plus.
La vie est la mort qui arrive
mais d'abord c'est la joie.
Pia Tafdrup, Le Soleil de la salamandre (2012). Traduit du danois par Janine Poulsen. Editions Unes 2019
voir aussi, de Pia Tafdrup, un poème posté le 2 mars 2021 sur ce blog : http://www.proximitedelamer.fr/2021/03/de-la-dignite-d-une-vie.html