Assez pour faire un feu
Temple de montagne
Résonne au fond de la neige
le son d'une cloche
Yamadera Ya
yuki no soko naru
kane no koe
(1790)
Mes amis sous les fleurs
jusqu'à ce que je les revoie
combien de printemps
Hana no tomo ni
mata au made wa
ikuharu ya
(1791)
Alors qu'au hasard
portais mes pas une flaque
fut mon chemin d'errance
Oboro oboro
fumera mizu nari
mayoimichi
(1797)
Au bruit du tonnerre
a répondu de son cri
un faisan des champs
Kamirani ni
nakiawasetaru
kiwikana
(1804)
Cailles margottez donc
de ma hutte si je vous gêne
je plierai bagage
Nake uzura
jama nara io mo
tatamubeki
(1804)
En soleil couchant
aux yeux d'une grenouille aussi
un voile de larmes
Iriai wa
kawazu no me ni mo
numida kana
(1805)
Froidure du matin
le crapaud lui-même en fait
gros yeux comme les plats
Asa samu ya
hiki no mawako wo
sara ni shite
(1805)
Aux monts de l'automne
pour se dire encore en vie
frappe-t-on la cloche ?
Aki no yama
ikite iru tote
utsu kane ka
(1805)
En pauvre demeure
pour la nuit sont fraîches aussi
lanternes de pierre
Abaraya mo
yoru wa suzushiki
toro kana
(1805)
Petites châtaignes
parmi quelles pisse un cheval
en toute beauté
Shibaguri ya
uma no bari shite
utsukushiki
(1806)
Cloche au son de glace
sur la colline dans mon dos
quand me suis couché
Kane koru
yama wo ushiro ni
netarikeri
(1806)
Monde de rosée
ni plus ni moins que rosée
toutes ces disputes
Tsuyu no yo
tsuyu nu naka nite
kenka kana
(1810)
Sous pluie de printemps
passe avec un gros bâillement
une jolie femme
Harusame ni
oakubi suru
bikini kana
(1811)
Las, tant suis vieilli
que d'une calebasse et de moi
l'ombre ne diffère
Oitari na
fukube to ware ga
kageboshi
(1812)
Tant me suis langui
de ces cerisiers en fleurs
et m'y retrouve seul
Machimachishi
sakura to naredo
histori kana
(1813)
Je n'ai rien à moi
mais quelle quiétude dans le cœur
mais quelle fraîcheur
Nani mo nai ga
kokoroyasusa yo
suzushisa yo
(1813)
Rosée se dissipe
comme si de ce monde sordide
n'avait rien à faire
Tsuyu chiru ya
musai kono yo ni
yo nashi to
(1813)
Tant suis triste et seul
par-dessous les feuilles mortes
demeurent mes ancêtres
Sabishisa ya
ochiba ga shita no
senzotachi
(1813)
Du babil des hommes
semblent enfin soulagés
cerisiers au soir
Hitogoe ni
hotto shita yara
yuzakura
(1814)
Assez pour faire un feu
au vent me sont apportées
quelques feuilles mortes
Taku hodo wa
kaze ga kuretaru
ochiba kana
(1815)
Ma pauvre cabane
où prend une peine inutile
la rosée qui tombe
Abaraya ya
mudabone orite
tsuyu no oku
(1816)
Longues pluies d'été
un bâton d'encens dressé
ma boîte à tabac
Samidare ya
senko tateshi
tabakobon
(1818)
Au crépuscule tombé
un épouvantail et moi
seuls l'un avec l'autre
Yugureshi ya
kagashi to ware to
tada futari
(1818)
Des nuits qui sont courtes
à l'âge de me réjouir
en suis arrivé
Mijikayo wo
yorokobu rossi no
narinikeri
(1819)
Le seigneur Bouddha
dessus le bout de son nez
bombardier péteur
Mihotoke no
hana no saki nite
hehirimushi
(1820)
Ondes de chaleur
et toujours hante mon regard
un visage souriant
Kagero ya
me ni tsukimatou
waraigao
(1821)
Dedans les latrines
s'évanouit sur la lampe à huile
une poudre de neige
Setchin to
senakaawase ya
fuyugomori
(1821)
Calme et immobile
Laisse un cheval la humer
une grenouille
Jitto shite
uma ni kagaruru
kawazu kana
(1825)
Kobayashi Issa, En village de miséreux, choix de poèmes, traduit du japonais par Jean Cholley, Editions Gallimard, Connaissance de l'Orient 1996
Image : Rouleau calligraphié de l'auteur