Et je chante le Sutra Diamant...

Publié le par Fred Pougeard

(...) Ils restèrent trois jours à Kanzhu. Xingte en profita pour grimper sur le rempart, à l'angle sud-ouest de la forteresse. Du sommet, il pouvait voir un coin de la place du marché, devant la porte sud. Au-delà, l'immense étendue de la plaine herbeuse. Il regarda l'espace dégagé au pied des remparts. Les gens n'étaient pas plus gros que des pois. Puis il se dirigea vers la partie ouest de la muraille, d'où la princesse ouighoure s'était suicidée.
     Xingte repensa à son impuissance devant elle et la brièveté de leur rencontre. La douleur l'envahit. Il continua à marcher au sommet du rempart pendant une demi-heure, et c'est là qu'il décida qu'il lui dédierait toute son œuvre à venir quand il serait rentré à Kuazhu. Il traduirait les sutras chinois en xixia pour Yanhui, mais ce serait une offrande pour le repos de l'âme de la jeune fille. 
      Et cette pensée le rendit heureux. Traduire des sutras en xixia l'avait toujours intéressé, mais avec cette nouvelle motivation le travail prenait une toute autre signification.
     Xingte continua sa promenade sous le soleil brûlant. Il avait les bras, les jambes, le cou, le corps entier couverts de sueur.
 
Je révère humblement les Bouddhas des trois Royaumes,
Et je me convertis aux enseignements des Bouddhas des Dix Directions
Je fais les Vœux universels
Et je chante le Sutra Diamant
En remerciement des grandes faveurs reçues
Du Ciel et de la Terre par mes parents et mes compatriotes
Et pour épargner aux morts les souffrances des Trois Enfers.
Et quand les hommes entendront ou verront la vérité
Ils suivront tous les pas du Bouddha
Et consacreront alors le reste de leur vie...
 
Le texte du Sutra Diamant lui sortait des lèvres. Et tandis qu'il chantait ces vers, sans qu'il s'y attende, ses yeux s'emplirent de larmes Et les larmes se mêlèrent à la sueur, roulèrent sur ses joues et tombèrent sur la terre rouge des murs de la ville.
 
Yasushi Inoué, Les chemins du désert (1959), fin du chapitre 5. Traduit de... l'anglais par Jean Guiloineau. Editions Stock 1982.
 
Image :  En haut, Peinture murale de la grotte de Dun Huang, La montagne aux cinq pics en terrasse et ses temples et monastères bouddhiques, dixième siècle.
 
Ci-dessous : Le Suvarnaprahasa Sutra, ou Sutra de la lumière dorée, écrit en tangoute.
 
(Dans les grottes de Dun Huang, à l'ouest de la Chine, découvertes au début XXe siècle, plus de vingt-mille documents bouddhistes d'avant le XIe furent trouvés sans que personne puisse l'expliquer. Inoué raconte cette histoire inconnue dans Les Chemins du désert.)

 

 
 
 
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