Ma première rencontre avec l'œillet sauvage
Au plus sec du paysage,
Dans les cailloux du maquis,
Un brusque sauvage exquis
Ardemment me dévisage
Et d'un vif plaisir j'éclate
D'être saisie en entier
A ce tournant du sentier
Dans son regard écarlate.
Qui donc admettra ma joie ?
Peut-on si fort s'exalter
Parce qu'en l'aridité
Un fleuron maigre rougeoie ?
Petit ascète panique,
Dans notre furtif duo
Mon émoi vibre plus haut
Qu'un bonheur de botanique.
Je fixe sur la durée
Pour la revivre longtemps
Cette fête d'un instant,
Infime et démesurée.
Lucienne Desnoues, Anthologie personnelle Actes Sud 1998