Car il y pleut parfois

Publié le par Fred Pougeard

(...)
 
On peut se cacher du vent
ou même du feu
mais pas d'un sol qui s'agite
ou d'un cœur qui tremble.
 
(...)
 
Le ciel est devenu si bas
que n'importe qui est capable
de décrocher une étoile
pour la piétiner à sa guise.
 
(...)
 
Que fait-on quand ceux qui devraient
répondre à nos questions ont d'autres
préoccupations ou sont morts ?
On fait nous-mêmes les questions et les réponses
c'est-à-dire des livres.
 
(...)
 
Entre vivre et mourir je préfère la guitare, ce seul vers de Neruda , autrefois consul à Bornéo, suggère un tel élan vers la vie que j'ai envie de sortir pour aller danser et boire toute la nuit.
 
(...)
 
C'est donc une java qui se danse à trois
dans le sous-sol de la vie
le sexe facile, le rire gras et la sale mort.
 
(...)
 
Je me rends compte que je n'ai pas écrit
ces livres pour décrire le paysage
​​​​​​​mais pour continuer à en faire partie.
 
(...)
 
Écrire est une étrange cérémonie
où l'écrivain fait semblant d'être seul
tout en sachant qu'une foule invisible
et silencieuse se tient dans la même pièce.
 
(...)
 
La vie n'est pas un concept car il y pleut parfois.
 
(...)
 
À force d'éliminer toute surprise de cette vie
on finira par lui enlever tout intérêt aussi
et par mourir sans qu'on le sache.
 
(...)
 
Bashõ envisage la marche comme une façon
de se laver de toute la crasse de la réalité.
Le haïku étant un petit savon bon marché.
 
(...)
 
J'ai toujours su que Mishima était mon voisin
Dumas, un cousin, Virgile, l'ami de mon père
et Virginia Woolf, une tante qui vivait 
de l'autre côté du petit cimetière. Ainsi je rapatriais
tous ceux que je lisais à l'époque. Il n'y a que Borges
qui brille, en solitaire, dans le ciel noir de mon patelin.
 
Dany Laferrière, Un certain art de vivre, Grasset 2023
 
 
 
 
 
 
 
 
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