Dans le demi-sommeil

Publié le par Fred Pougeard

Je veille la nuit violentée
 
L'air est criblé 
comme une dentelle
par les coups de fusil
des hommes
renfoncés
dans les tranchées
comme les escargots dans leur coquille
 
Il me semble
qu'une ahanante
tourbe de cantonniers
pilonne le pavé
de pierre de lave
de mes routes
et je l'écoute
sans voir
dans le demi-sommeil
 
Valloncello di Cima Quattro, 6 août 1916
 
 
 
PELERINAGE
 
Aux aguets
dans ces boyaux
de gravois
des heures et des heures
j'ai traîné
ma carcasse
usée de boue
comme une semelle
ou comme une graine
d'aubépine
 
Ungaretti
homme de peine
c'est bien assez d'un illusion
pour te donner courage
 
Un projecteur
là-bas
met une mer
parmi la brume
 
Valloncello dell' Albero Isolato, 16 août 1916
 
Giuseppe Ungaretti, L'Allégresse (1914-1919) traduit de l'italien par Jean Lescure, dans Vie d'un Homme, Poésie 1914-1970, traduit de l'italien par Philippe Jaccottet, Pierre Jean Jouve, Jean Lescure, André Pyeire de Mandiargues, Francis Ponge et Armand Robin, Editions de Minuit et Gallimard 1973
 
Photo : Ungaretti  (à droite) dans les tranchées 1918
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