Une vieille histoire/An old story

Publié le par Fred Pougeard

I
 
J'étais dans un jardin
Où les arbres fleurissent,
Où des oiseaux chantent
Et des eaux coulent,
 
Mais mon esprit vagabondait
Rien qu'un instant
Du temps de toute une vie
J'étais égarée,
 
Tout le temps d'une vie parti—
Mais où sont-elles
Les eaux éblouissantes,
Les créatures en plein jeu ?
 
Je vois bien
Les blancs nuages, le brillant soleil,
Je touche les jeunes feuilles,
Respire la rose sauvage,
 
Mais ils sont loin
Comme l'amour l'est de l'abandon,
Comme venir l'est de partir.
 
II
 
Ceci n'était pas ce que je voulais,
Ma vie où rien ne va
 
De jour en jour
Comment ai-je perdu mon chemin
D'instant en instant ?
 
Les heures passent
Au long de l'acte cruel,
L'abandon de toute une vie,
 
Mais ce qui est accompli
Survit longtemps
À l'accomplissement et à l'accomplissant,
 
Il n'y a pas de fin,
De vie en vie
Nous réparons ce que nous pouvons.
 
J'ai accompli ce que je suis,
Suis ce que j'ai accompli,
Cependant voulais bien autre chose.
 
III
 
Lecteur, j'aimerais dire
Si je le savais
Que tout sera bien,
 
​​​​​​​Toute obscurité dissipée,
Toutes les vies comblées,
Guéris les cœurs qui furent brisés,
 
Je parlerais de joie ressuscitée,
De maux justifiés,
De torts oubliés,
 
Mais je ne sais pas
Comment ce qui est accompli
Peut jamais ne pas être,
 
Bien que l'amour le désirerait.
 
IV
 
Qui aussi bien que ceux qui sont perdus
Pour savoir, du fond de l'absence,
Qui peut mieux, si lointains,
Mesurer par défaut la plénitude de l'amour ?
De cette bonté
En laquelle une myriade de créatures vivent en paix,
Moi, qui connaît le mal et le bien
Je ne demande aucune grâce, cependant
Revendique comme par justice
Mon droit le plus juste de louer.
 
*
 
I
 
I was in a garden
Where the trees flower,
Where birds sing
And waters run,
 
But my mind wandered
For a moment only
Of life-long time
I was astray,
 
A life-time gone—
But where are they,
The dazzling waters,
The creatures at play ?
 
Still I see
White clouds, bright sun,
I touch young leaves,
Breathe the wild rose,
 
But they are far
As love from loss,
As come from gone.
 
II
 
This was not what I meant,
My life amiss
 
From day to day
How did I lose my may
From moment to moment ?
 
The hours run on
Through the unkind act,
The lifelong loss,
 
But what is done
Long outlasts
Deed and doer,
 
The is no end,
From life to life
We repair what we can.
 
I have done what I am,
Am What I have done,
Yet meant far other.
 
III
 
Reader, I would tell
If I knew
That all shall be well,
 
All darkness gone,
All lives made whole,
Hearts healed that were broken,
 
Would tell of joy reborn,
Of wrongs made right,
Of harms forgiven,
 
But do not know
How what is done
Can ever not be,
 
Though love would wish it so.
 
IV
 
Who so well as the lost
Can know, from absence,
​​​​​​​Who better, for far removed,
Measure by want love's fullness ?
Of that kindness
In which a myriad creatures live in peace,
I, who know evil and good
Ask no mercy, yet
Claim as by right
Best right to praise.
 
Kathleen RaineLa Presence (The Presence) poèmes 1984-1987, traduit de l'anglais par Philippe Giraudon Editions Verdier 2003

 

 
 
 
 
 
 
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