Dialogues
Comme la tombe sur les morts mon cœur est lourd,
La tombe sur les morts close avec de la pierre.
Mes yeux veulent toujours regarder en arrière.
Qu'ai-je donc égaré le long du temps qui court ?
— Va prier le soleil pour que mon champ prospère,
C'est ta dot qui mûrit dans nos blés.
— Oui mon père.
Depuis qu'on a fermé la porte sur ses pas,
La nappe du festin est à jamais pliée.
Je ne sais s'il m'a tout à fait oubliée,
Mais quand je le rencontre il ne me parle pas.
— Sommes-nous au couvent ? Cette robe sévère
Ôte-la. Mets ta robe à volants
— Oui ma mère.
J'ai mal... je ne sais pas où souffrir me conduit,
Et dans mon cœur j'entends un rossignol de flamme
Désespéré qui chante, chante à perdre l'âme.
Mais j'attends pour pleurer, comme j'attends la nuit !
— Sœur, la chanson d'amour que tu savais naguère,
Celle où passe un oiseau, chante-là...
— Oui mon frère.
Quand donc viendra la mort dont les pas font frémir
Pour qu'enfin de l'aimer, enfin ! je me repose...
Il sera doux le jour où de la chambre close
On joindra les volets pour me laisser dormir.
— Sœur partons ! Serais-tu par hasard endormie ?
Le bal est commencé. Vite, allons !
— Oui ma mie.
1904
Marie Noël, Les Chansons et les heures Stock 1935 repris dans Les Chansons et les heures, Le Rosaire des joies Gallimard 1983