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Péniche aux gravats

Publié le par Fred Pougeard

Heure d'eau, la péniche aux gravats
nous emporte vers le soir, nous n'avons
comme elle, pas de hâte, un Pourquoi
mort se tient à la poupe.
 
........................................
 
Allégé. Le poumon, la méduse
se gonfle en cloche, une brune
excroissance d'âme atteint
le Non respiré clair.
 
SCHUTTKAHN
 
Wasserstunde, der Schuttkahn
fährt uns zu Abend, wir haben
wie er, keine Eile, ein totes
Warum steht am Heck.
 
.......................................
 
Geleichtert. Die Lunge, die Qualle
bläht sich zur Glocke, ein brauner
Seelenfortsatz erreicht
des hellgeatmete Nein.
 
Paul Celan, Grille de parole, Sprachgitter (1959) traduit de l'allemand par Martine Broda, Christian Bourgois éditeur 1991
 
 
 
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Tourbillon de mouches

Publié le par Fred Pougeard

Un cavalier va dans la plaine
La jeune fille pense à lui
Et cette flotte à Mitylène
Le fil de fer est là qui luit
 
Comme ils cueillaient la rose ardente
Leurs yeux tout à coup ont fleuri
Mais quel soleil la bouche errante
À qui la bouche avait souri
 
 
L'ADIEU DU CAVALIER
 
Ah Dieu ! que la guerre est jolie
Avec ses chants ses longs loisirs
Cette bague je l'ai polie
Le vent se mêle à vos soupirs
 
Adieu ! voici le boute-selle
Il disparut dans un tournant
Et mourut là-bas tandis qu'elle
Riait au destin surprenant
 
Guillaume Apollinaire, Caligrammes, Mercure de France 1918

 

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Soudain le jour...

Publié le par Fred Pougeard

Soudain le jour arrache la torpeur du lit
Soudain tu as hâte de couper d'avec ta nuit
Soudain il t'est impossible de rester couchée
Soudain tu coupes court à toute hésitation
En apparence tout redevient net
L'appel du lointain se rappelle à ton esprit
Tu veux en finir avec ta stagnation
Soudain le désert redevient asymptote
Et c'est d'abord ici que tu agiras
Quand là-bas s'annonce la chaleur à venir.
 
Le corbeau descend en planant
Sur la terre ensoleillée.
La gelée matinale fond en spirales
Les fleurs du pommier s'épanouissent layette
Dans la fraîcheur les arbres se secouent
La lumière ravive les sommets déglacés
En attente d'attiser les tisons de l'été.
La vigne sèche voit pousser les herbes folles
Qui grappillent du terrain entre les pierres
​​​​​​​Autour du groseillier, au pied du néflier
Contre les pruniers de protection sûre
La terre couve encore son humidité
L'invisible fermente sous les sèves affleurantes.
 
Marion Lafage, Par chemins et calames, collection Poésie XXI, Jacques André Editeur 2022
 

 

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C'est à un combat sans corps...

Publié le par Fred Pougeard

C'est à un combat sans corps qu'il faut te préparer, tel que tu puisses faire front en tout cas, combat abstrait qui, au contraire des autres, s'apprend par rêverie.
 
(...)
 
Quoi qu'il t'arrive, ne te laisse jamais aller —faute suprême— à te croire maître, même pas un maître à mal penser. Il te reste beaucoup à faire, énormément, presque tout. La mort cueillera un fruit encore vert.
 
(...)
 
Ce que tu as gâché, que tu as laissé se gâcher et qui te gêne et te préoccupe, ton échec est pourtant cela même, qui ne dormant pas, est énergie, énergie surtout. Qu'en fais-tu ?
 
(...)
 
Tu peux être tranquille. Il reste du limpide en toi. En une seule vie tu n'as pas pu tout souiller.
 
(...)
 
La fadeur de ton ange t'obligea à chercher un démon, qui n'est que ton satanisateur. L'as-tu bien choisi ? Luciférien comme il se doit de l'être (c'est son signe), mais pas non plus absolument disproportionné à ta mince vigueur. Veilles-y. Ils s'accrochent, tu sais ?
 
(...)
 
Le continent de l'insatiable, tu y es. De cela au moins on ne te privera pas, même indigent.
 
(...)
 
Les arbres frissonnent plus finement, plus amplement, plus souplement, plus gracieusement, plus infiniment qu'homme ou femme sur cette terre et soulagent davantage.
Les peurs, les appréhensions, les soucis, la mélancolie, les tendresses, les émotions inexprimables, les arbres, pourvu qu'il y ait un souffle de vent, savent les accompagner.
Le précieux, le véritablement précieux est distribué sans le savoir et reçu sans contrepartie.
 
 
Henri Michaux, Poteaux d'angle. Editions Gallimard 1981
 
Image : Henri Michaux, Aquarelle sur papier 1981
 
 
 
 
 
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