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Souvenirs de la maison des fous

Publié le par Fred Pougeard

extraits...
II
 
Petite et belle elle peut vivre sans miroir
Petite et belle elle peut vivre sans espoir
 
Les longs charrois de nuit et l'aube à petit feu
Ont dégradé son corps et dévasté son cœur 
 
Vivre toujours peut-être et patient je regarde
Le jour pâle épouser sans plaisir ses yeux vagues.
 
VII
 
J'ai pour la foudre chue un respect de vaincue
Mes os sont calcinés ma couronne est brisée
Je pleure et l'on en rit ma souffrance est souillée 
Et le mur du regret cerne mon existence
Peut-être aurais-je pu me masquer de beauté
Peut-être aurais-je pu cacher cette innocence
Qui fait peur aux enfants.
 
LE CIMETIERE DES FOUS
 
Ce cimetière enfanté par la lune
Entre deux vagues de ciel noir
Ce cimetière archipel de mémoire
Vit de vents fous et d'esprits en ruine
 
Trois cents tombeaux réglés de terre nue
Pour trois cents morts masqués de terre
Des croix sans nom corps du mystère
La terre éteinte et l'homme disparu
 
Les inconnus sont sortis de prison
Coiffés d'absence et déchaussés
N'ayant plus rien à espérer
Les inconnus sont morts dans la prison
 
Leur cimetière est un lieu sans raison.
 
Saint-Alban 1943
 
Paul Eluard, Souvenirs de la maison des fous,  Dessins de Gérard Vulliamy, Editions Pro Francia 1946, Seghers 2023
 
En novembre 1943, Paul Eluard trouve refuge en Lozère, à l'asile public de Saint Alban, où souffle, sous la conduite de François Tosquelles et Lucien Bonnafé, un vent d'humanisme. 
Eluard reste plusieurs mois caché parmi les aliénés. Cette expérience le bouleverse. Il en tire un long poème composé de sept portraits, paru en 1946, dans une édition avec les dessins de Vulliamy, son futur gendre, qui s'est rendu à Saint Alban en 1945 avec la fille du poète, Cécile.
Seghers vient de faire reparaître ce livre devenu introuvable.
 
​​​​​​​Images : dessin de Gérard Vulliamy, pour le portrait I
Nush et Paul Eluard, Saint Alban 1944 par Jacques Matarasso

 

 
 
 
 
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Arts invisibles

Publié le par Fred Pougeard

Toi qui chantes toutes mes morts
Toi qui chantes ce que tu ne livres pas
au sommeil du temps
décris-moi la maison vide,
parle-moi de ces morts habillés de cercueil
qui habitent mon innocence.
 
Avec toutes mes morts
je me remets à ma mort,
avec des poignées d'enfance,
avec des désirs ivres
qui n'ont pas marché sous le soleil,
et il n'y a pas une parole matinale
qui donne raison à la mort,
et pas un dieu où mourir sans grimaces
 
Alejandra Pizarnik, Les Aventures perdues, dans Œuvre poétique, traduit de l'espagnol (Argentine) par Silvia Baron Supervielle et Claude Couffon
 
 
 
 
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Il s'allonge sur la terre noire

Publié le par Fred Pougeard

Il s'allonge sur la terre noire
Et ce n'est pas mourir
 
Il reprend le dialogue avec la terre noire
Et la nuit des racines habituelles
 
Voici que des fleuves débouchent dans son sang
L'estuaire de nouveau promis.
 
Jean Fanchette, Identité provisoire (1965) dans L'île Equinoxe, préface de J.M.G. Le Clezio, postface de Michel Deguy. Editions Philippe Rey 2016
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