Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Suis-je assez pauvre ?

Publié le par Fred Pougeard

(...)
Suis-je assez pauvre ?
Assez seul, assez nu.
Suis-je vidé suffisamment de ma mémoire.
Suis-je assez sombre. Assez obscur.
Et dans cette ombre enfin peux-tu germer, lumière.
Et dans l'humide de mon cœur prendre racine.
Et croître dans ce corps, musique.
Peux-tu monter de moi, murmure.
Chant qui n'est pas mon chant, mais que je chante, à travers moi peux-tu fleurir !
À travers moi pousser tes branches, musique immense, à travers moi peux-tu gémir,
arbre puissant de tous les vents de l'univers ;
à travers moi peux-tu frémir, flamme vivante, sève blanche, intarissable source du sang.
Toi dont je sais le nom secret peut-être, sur lequel je referme mes lèvres - ô poésie.
(...)
 
Marcela Delpastre, Natanael jos lo figier Natanael sous le figuier ; Lo chamin de Sent-Jaume-Lo Leberaubre 1987,  et dans D'una lenga l'autra, edicions dau chamin de Sent-Jaume 2001
Partager cet article
Repost0

Si clair était son bras

Publié le par Fred Pougeard

Si clair était son bras lorsque, rieuse,
elle donnait le pain, l'eau ou le sel,
qu'on pensait à la neige du névé.
Son pas était une danse naturelle.
 
Elle était fille de la Grèce par son père,
et par sa mère fille du Conflent.
Et suivant la pente du bois, mille roses au vent
enflammaient son visage.
 
*
 
 Tan car tenia el braç quan, riallera,
donava el pa, l'aigua o la sal,
​​​​​​​que hom pensava en la neu de la gelera.
Son pas era una dansa natural.
 
Era filla de Grècia per son pare
i per sa mare filla de Conflent,
i bosc avall li encenien la cara
les mil roses del vent.
 
COULEUR DE NOVEMBRE
 
Quand l'air élargit les pins et qu'il emporte
le parfum de la branche ténébreuse,
Novembre, tu peux regarder à la fenêtre.
Le ciel est comme un verre rose.
 
Toits mouillés de clartés, couleur de vin.
Une fumée s'affole, toute lisse.
La mer doit connaître dans le soir
une profonde paix violette.
 
*
 
​​​​​​​Quand l'aire afluixa els pins i fa girar
el balsam de la branca tenebrosa,
Novembre, a la finestra pots mirar !
El cel és com un vidre rosa.
 
Teulats molls de claror, color de vi.
S'allisa une fumera esperitada.
La mar al vespre deu tenir
una profunda pau morada.
 
Joseph Sebastien Pons, Cantilena. Poèmes catalans et traduction par l'auteur. Editions Gallimard 1963
 
Ah, tiens, ceci est la 400e entrée, porte... dans ce blog.
 

 

Partager cet article
Repost0

Car il y pleut parfois

Publié le par Fred Pougeard

(...)
 
On peut se cacher du vent
ou même du feu
mais pas d'un sol qui s'agite
ou d'un cœur qui tremble.
 
(...)
 
Le ciel est devenu si bas
que n'importe qui est capable
de décrocher une étoile
pour la piétiner à sa guise.
 
(...)
 
Que fait-on quand ceux qui devraient
répondre à nos questions ont d'autres
préoccupations ou sont morts ?
On fait nous-mêmes les questions et les réponses
c'est-à-dire des livres.
 
(...)
 
Entre vivre et mourir je préfère la guitare, ce seul vers de Neruda , autrefois consul à Bornéo, suggère un tel élan vers la vie que j'ai envie de sortir pour aller danser et boire toute la nuit.
 
(...)
 
C'est donc une java qui se danse à trois
dans le sous-sol de la vie
le sexe facile, le rire gras et la sale mort.
 
(...)
 
Je me rends compte que je n'ai pas écrit
ces livres pour décrire le paysage
​​​​​​​mais pour continuer à en faire partie.
 
(...)
 
Écrire est une étrange cérémonie
où l'écrivain fait semblant d'être seul
tout en sachant qu'une foule invisible
et silencieuse se tient dans la même pièce.
 
(...)
 
La vie n'est pas un concept car il y pleut parfois.
 
(...)
 
À force d'éliminer toute surprise de cette vie
on finira par lui enlever tout intérêt aussi
et par mourir sans qu'on le sache.
 
(...)
 
Bashõ envisage la marche comme une façon
de se laver de toute la crasse de la réalité.
Le haïku étant un petit savon bon marché.
 
(...)
 
J'ai toujours su que Mishima était mon voisin
Dumas, un cousin, Virgile, l'ami de mon père
et Virginia Woolf, une tante qui vivait 
de l'autre côté du petit cimetière. Ainsi je rapatriais
tous ceux que je lisais à l'époque. Il n'y a que Borges
qui brille, en solitaire, dans le ciel noir de mon patelin.
 
Dany Laferrière, Un certain art de vivre, Grasset 2023
 
 
 
 
 
 
 
 
Partager cet article
Repost0