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Quand contremont

Publié le par Fred Pougeard

Quand contremont verras retourner Loyre,
Et ses poyssons en l'air prendre pasture
Les corbeaux blancz laissantz noyre vesture,
Alors de toy n'auray plus de mémoire.
 
Anonyme XVIe, mis en musique par Clément Janequin, Chansons, 31e livre 1549

 

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Jours pétrifiés

Publié le par Fred Pougeard

   Les yeux bandés les mains tremblantes
trompé par le bruit de mes pas
qui porte partout mon silence
perdant la trace de mes jours
si je m'attends ou me dépasse
toujours je me retrouve là
comme la pierre sous le ciel.
 
   Par la nuit et par le soleil
condamné sans preuve et sans tort
aux murs de mon étroit espace
je tourne au fond de mon sommeil
désolé comme l'espérance
innocent comme le remords.
 
Un homme qui feint de vieillir
emprisonné dans son enfance,
l'avenir brille au même point,
nous nous en souvenons encore,
le sol tremble à la même place,
 
le temps monte comme la mer.
 
Jean Tardieu, Jours pétrifiés (1943-1947) dans Le Fleuve caché, Poésie 1938-1961. Editions Gallimard 1968

 

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Dino Cappa Palladino

Publié le par Fred Pougeard

     
     À quelques maisons d'ici dans la rue, dans une petite boutique crasseuse, un homme vend des jouets et de la papeterie bon marché. Chaque fois que je suis entré dans le magasin pour y acheter quelque chose, il était en train de dessiner : sur du carton blanc, il dessinait au lavis des illustrations dans le genre chromo, des fleurs, des oiseaux, des inventions graphiques. Les dessins étaient harmonieux et artistiques. À présent, il tend à L. un recueil de poèmes, quatre-vingt sept pages, avec un poème par page, orné de quelques dessins. Les poèmes sont de lui, le propriétaire de la boutique, et il vient de publier ce livret à compte d'auteur. Le titre en est : Chi guiderà le mie mani* ? L'auteur s'appelle Dino Cappa Palladino. Il est né ici, dans la région. Cinquante-deux ans. Docteur en droit. Pendant la guerre, il a été fait prisonnier : il s'est retrouvé prisonnier de guerre dans des camps de concentration, en Algérie, au maroc, au Nouveau Mexique, au Texas et à Hawaï. Quand il a été libéré, il s'est marié et a ouvert cette papeterie à Salerne "parce qu'il faut bien vivre de quelque chose". Il est marié depuis vingt-cinq ans, sa femme n'a qu'une jambe, elle a souffert d'une thrombose il y a dix ans et on l'a amputée. 
     Sa poésie est humaine, sans pathos, savoureuse et simple, pas moderne ; mais elle est loin d'être négligée, le poète a le sens des mots, ne veut pas en dire plus que ce que les mots supportent, certains sont juste des soupirs ; je lis ces poèmes et suis profondément touché par la poésie de ce petit homme solitaire. La plupart des poèmes consistent en quelques vers, comme ce tercet : Quando entro nei miei pensieri/Mi si rovescia il mondo/ Ed ho paura di conoscermi**. C'est un peuple singulier que le peuple italien.
 
* Qui guidera mes mains ?
** Quand j'entre dans mes pensées/Le monde s'écroule autour de moi/Et j'ai peur de me connaître
 
Sándor Márai, Journal Les années d'exil 1968-1989, traduit du hongrois par Catherine Fay. pages 130-131 (année 1972) Editions Albin Michel 2023
 
Photo : Sándor Márai D.R
 
 
 
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Une déchirante et totale découverte de soi

Publié le par Fred Pougeard

(...) Je ne sais rien de la mort de Péguy. Personne ne sait rien de la mort de personne. Il avait écrit : "Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre..." Des alexandrins que j'ai appris par cœur, dans le temps. Tout le monde les a appris par cœur. Depuis, j'ai vu pas mal de ces cadavres heureux. Des vrais, et qui pourrissaient sans poésie, écrasés au fond d'un fossé. C'est un spectacle qui invite à parler froidement de ces choses. Les morts ne sont ni heureux ni malheureux : ils sont morts. On leur a volé leur montre et leurs bottes, et ils pourrissent au fond d'un fossé. Cette réalité de la guerre et de la mort a de quoi guérir d'un certain lyrisme martial. Mais Péguy voyait la guerre comme dans les livres que les professeurs commentent en classe. Comme dans Hugo. Comme dans l'Iliade. Comme dans Corneille. Chacun a connu, vers ses quinze ans, de ces farouches vieux pédagogues que le combat des Horaces ou l'invocation aux soldats de l'An II (ô guerres, épopées) jetaient dans un délire sacré. Péguy aussi, ça le ravissait, cet héroïsme de 14-Juillet et de distribution de prix. Ces effets de voix et ces effets de muscles. Cette rhétorique qui plastronne, qui claironne, qui flonflonne. Ce courage oratoire, sans rapport avec le courage réel, qui est silence est solitude — la plus silencieuse, la plus solitaire prise de conscience ; l'expérience la plus incommunicable ; l'épreuve la plus secrète ; une déchirante et totale découverte de soi au fond d'une angoisse sans nom. L'imagerie de Péguy, ses rêves de batailles, de chevauchées et de croisades, tout cela n'a pas l'air sérieux quand l'événement est là. Et c'est fait. Le temps de la rhétorique est passé. Nous l'avons eue, nous aussi, notre inscription historique. Et quand on a le nez sur l'événement, ça change vos façons de voir. L'événement est comme les cadavres. Il n'est glorieux et beau que dans la littérature de collège. Dans le vrai de la vie, c'est piteux, c'est moche, ça pue. Quand on n'est pas aussi bête que Beuret, on finit quand même par s'en apercevoir. À force de grelotter dans une baraque, de soir en soir, on en vient à savoir au moins une chose : c'est qu'il n'est pas besoin de faire signe à la catastrophe. On ne la manquera pas. Elle ne nous manquera pas. On aura sa place, il y en aura pour tout le monde. On aura sa part, et bonne mesure. Sa part d'Histoire et d'épopée. Sa part de nuit, de neige, de crasse, de merde. On y a droit. Droit aux punaise. Aux soupes de rutabagas. Aux sentinelles. Aux cabinets. À ces croupissements et à ces accroupissements. À la stupidité de Vignoche. Droit à Beuret, à Pochon, à Chouvin. Aux chansons de Chouvin. LP'tite Amélie, oua oua oua oua oua. Péguy était travaillé de l'envie d'inscrire une grande histoire militaire dans l'histoire éternelle. Il y a peut-être quelque part, Dieu sait où, des personnages de Corneille ou des soldats de l'An II. mais pas ici. Ici, il y a seulement Ure et Pochon, et Faucheret, et Tronc. Et Chouvin qui chante :
 
La p'tite Amélie
Oua oua oua oua oa
M'avait bien promis
Oui Oui Oui Oui Oui...
 
Georges Hyvernaud, La Peau et les les os, les souffrances de la captivité, Editions du Scorpion 1949
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Une vieille histoire/An old story

Publié le par Fred Pougeard

I
 
J'étais dans un jardin
Où les arbres fleurissent,
Où des oiseaux chantent
Et des eaux coulent,
 
Mais mon esprit vagabondait
Rien qu'un instant
Du temps de toute une vie
J'étais égarée,
 
Tout le temps d'une vie parti—
Mais où sont-elles
Les eaux éblouissantes,
Les créatures en plein jeu ?
 
Je vois bien
Les blancs nuages, le brillant soleil,
Je touche les jeunes feuilles,
Respire la rose sauvage,
 
Mais ils sont loin
Comme l'amour l'est de l'abandon,
Comme venir l'est de partir.
 
II
 
Ceci n'était pas ce que je voulais,
Ma vie où rien ne va
 
De jour en jour
Comment ai-je perdu mon chemin
D'instant en instant ?
 
Les heures passent
Au long de l'acte cruel,
L'abandon de toute une vie,
 
Mais ce qui est accompli
Survit longtemps
À l'accomplissement et à l'accomplissant,
 
Il n'y a pas de fin,
De vie en vie
Nous réparons ce que nous pouvons.
 
J'ai accompli ce que je suis,
Suis ce que j'ai accompli,
Cependant voulais bien autre chose.
 
III
 
Lecteur, j'aimerais dire
Si je le savais
Que tout sera bien,
 
​​​​​​​Toute obscurité dissipée,
Toutes les vies comblées,
Guéris les cœurs qui furent brisés,
 
Je parlerais de joie ressuscitée,
De maux justifiés,
De torts oubliés,
 
Mais je ne sais pas
Comment ce qui est accompli
Peut jamais ne pas être,
 
Bien que l'amour le désirerait.
 
IV
 
Qui aussi bien que ceux qui sont perdus
Pour savoir, du fond de l'absence,
Qui peut mieux, si lointains,
Mesurer par défaut la plénitude de l'amour ?
De cette bonté
En laquelle une myriade de créatures vivent en paix,
Moi, qui connaît le mal et le bien
Je ne demande aucune grâce, cependant
Revendique comme par justice
Mon droit le plus juste de louer.
 
*
 
I
 
I was in a garden
Where the trees flower,
Where birds sing
And waters run,
 
But my mind wandered
For a moment only
Of life-long time
I was astray,
 
A life-time gone—
But where are they,
The dazzling waters,
The creatures at play ?
 
Still I see
White clouds, bright sun,
I touch young leaves,
Breathe the wild rose,
 
But they are far
As love from loss,
As come from gone.
 
II
 
This was not what I meant,
My life amiss
 
From day to day
How did I lose my may
From moment to moment ?
 
The hours run on
Through the unkind act,
The lifelong loss,
 
But what is done
Long outlasts
Deed and doer,
 
The is no end,
From life to life
We repair what we can.
 
I have done what I am,
Am What I have done,
Yet meant far other.
 
III
 
Reader, I would tell
If I knew
That all shall be well,
 
All darkness gone,
All lives made whole,
Hearts healed that were broken,
 
Would tell of joy reborn,
Of wrongs made right,
Of harms forgiven,
 
But do not know
How what is done
Can ever not be,
 
Though love would wish it so.
 
IV
 
Who so well as the lost
Can know, from absence,
​​​​​​​Who better, for far removed,
Measure by want love's fullness ?
Of that kindness
In which a myriad creatures live in peace,
I, who know evil and good
Ask no mercy, yet
Claim as by right
Best right to praise.
 
Kathleen RaineLa Presence (The Presence) poèmes 1984-1987, traduit de l'anglais par Philippe Giraudon Editions Verdier 2003

 

 
 
 
 
 
 
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Je sentis que c'était le Christ

Publié le par Fred Pougeard

52
 
     La moissonneuse se trouvait sur un petit coteau : mais on ne faisait que l'entendre : on ne la voyait pas parce qu'elle était cachée parmi des monceaux de paille. Les femmes et les bottes évoluaient dans un tourbillon de poussière ; comme dans un cercle qui se reformait toujours. Des charrettes chargées de gerbes à battre arrivaient du fin fond du domaine ; tandis que d'autres, emplies de sacs de blé, prenaient un autre chemin ; à travers la campagne toute jaune de chaumes, déserte.
     
     Quelques eucalyptus aux feuilles desséchées, presque jaunes, avec sur la partie basse de leur tronc, l'écorce toute décollée, soulevée en longues bandes ; des oiseaux volaient bas, où la route était bordée d'un semblant de haies ; et de l'autre côté de la palissade, de bois qui scintille, en arêtes tordues où la route fait un coude, un cheval mort ; et, à quelques pas, un groupe de poulettes et de dindons maigrelets becquetaient les graines tombées des épis. tandis que le ventre roussâtre du cheval semblait encore vivant. J'ai alors ressenti une grande douceur.
 
53
 
     C'est après avoir vu un crucifix abîmé par la rouille et la fumée, que j'ai cru pour la première fois. Il était presqu'informe et tout noir : on ne distinguait plus le corps du bois de la croix. Et d'ailleurs, la rouille en avait augmenté le volume ; et, bien que petit, j'en voyais le visage comme s'il avait été d'une grandeur naturelle. Lorsque la paysanne le détacha de la hotte du foyer, une poignée de poussière tomba sur sa bouche, sur ses yeux. Et elle dut le nettoyer avec un chiffon. Le tenant en main, je me dirigeai vers le seuil ; où il y avait davantage de lumière. La rouille formait une croûte d'un doigt d'épaisseur : à vouloir l'enlever, on en abîmait également le corps.
     On ne distinguait plus ses traits, mais le serrant, je sentis que c'était le Christ.
 
Federigo Tozzi, Les choses les gens. Traduction de l'italien de Philippe di Meo Editions La Baconnière 2019 
 
 
 
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La jument grise

Publié le par Fred Pougeard

     
     Mère la jument grise a posé sa chemise. Il fera froid au bois du roi.
     Que de violettes j'ai cueillies dont le parfum est ma folie, que de violettes j'ai cueillies pour les offrir à mon amie.
     Le bois du roi s'est endormi. Le fils du roi vient-il ici ? La jument grise y lave sa chemise. Il fait bien froid au bois du roi. 
     Que de violettes sont flétries ! Mes doigts vont-ils geler aussi ? Bien longtemps, bien longtemps que j'attends mon amie.
     Mère la jument grise a changé de chemise. Comme il fait froid au bois du roi.
 
12 septembre 1969
 
FONTAINES DE CHIRRAZ
 
     Depuis quand n'ai-je pas senti l'odeur du thym ?
     Tandis que le tracteur remue la terre et que les feuilles des bouleaux font éclater leur gaine, des brumes lumineuses bleues animent les noces du ciel et du sol.
     Jamais je n'ai tant désiré m'étendre et contempler la résurrection des plantes.
     Fontaines de Chirraz ! Ô roses ! Inutiles et belles comme l'amour.
 
30 avril 1963
 
Marcela Delpastre, Les Disparates Editions dau chamin de Sent Jaume 2002
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Dans le demi-sommeil

Publié le par Fred Pougeard

Je veille la nuit violentée
 
L'air est criblé 
comme une dentelle
par les coups de fusil
des hommes
renfoncés
dans les tranchées
comme les escargots dans leur coquille
 
Il me semble
qu'une ahanante
tourbe de cantonniers
pilonne le pavé
de pierre de lave
de mes routes
et je l'écoute
sans voir
dans le demi-sommeil
 
Valloncello di Cima Quattro, 6 août 1916
 
 
 
PELERINAGE
 
Aux aguets
dans ces boyaux
de gravois
des heures et des heures
j'ai traîné
ma carcasse
usée de boue
comme une semelle
ou comme une graine
d'aubépine
 
Ungaretti
homme de peine
c'est bien assez d'un illusion
pour te donner courage
 
Un projecteur
là-bas
met une mer
parmi la brume
 
Valloncello dell' Albero Isolato, 16 août 1916
 
Giuseppe Ungaretti, L'Allégresse (1914-1919) traduit de l'italien par Jean Lescure, dans Vie d'un Homme, Poésie 1914-1970, traduit de l'italien par Philippe Jaccottet, Pierre Jean Jouve, Jean Lescure, André Pyeire de Mandiargues, Francis Ponge et Armand Robin, Editions de Minuit et Gallimard 1973
 
Photo : Ungaretti  (à droite) dans les tranchées 1918
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L'homme n'a pas une seule et même vie

Publié le par Fred Pougeard

Deux mois s'écoulèrent : je me retrouvai seul dans mon île maternelle ; la Villeneuve y venait de mourir. En allant la pleurer au bord du lit vide et pauvre où elle expira, j'aperçus le petit chariot d'osier dans lequel j'avais appris à me tenir debout sur ce triste globe. Je me représentais ma vieille bonne, attachant du fond de sa couche ses regards affaiblis sur cette corbeille roulante : ce premier monument de ma vie en face du dernier monument de la vie de ma seconde mère, l'idée des souhaits de bonheur que la bonne Villeneuve adressait au ciel pour son nourrisson en quittant le monde, cette preuve d'un attachement si constant, si désintéressé, si pur, me brisaient le cœur de tendresse, de regrets et de reconnaissance.
     Du reste, rien de mon passé à Saint-Malo : dans le port je cherchais en vain les navires aux cordes desquels je jouais : ils étaient partis ou dépecés ; dans la ville, l'hôtel où j'étais né avait été transformé en auberge. Je touchais presque à mon berceau et déjà tout un monde s'était écoulé. Etranger à ces lieux de mon enfance, en me rencontrant on demandait qui j'étais, par l'unique raison que ma tête s'élevait de quelques lignes de plus au-dessus du sol vers lequel elle s'inclinera de nouveau dans peu d'années. Combien rapidement et que de fois nous changeons d'existence et de chimère ! Des amis nous quittent, d'autres leur succèdent ; nos liaisons varient : il y a toujours un temps où nous ne possédions rien de ce que nous possédons, un temps où nous n'avons rien de ce que nous eûmes. L'homme n'a pas une seule et même vie ; il en a plusieurs mises bout à bout, et c'est sa misère.
 
François-René de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, livre troisième chapitre 16, édition établie par Maurice Levaillant et Georges Moulinier, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard 1951
 
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[107]

Publié le par Fred Pougeard

Je me remets à écouter du Bach —je me remets
À sentir la terre du jardin—
Je me remets à penser à des poèmes et à des romans — je me remets
Au silence qui fait d'un matin pluvieux
 
Le début du monde de demain —autour
De moi, il y a les spectres des garçons d'avant
Que je ne t'aie connu — leur époque est révolue,
Et, comme moi, ils sont loin du sommet
 
Où le soleil avait rendu glorieuses
Des têtes avec d'autres coupes de cheveux,
Des sexes compressés dans d'autres pantalons.
 
Tu <ris> de mon Bach et tu as des mots
<apitoyés> d'admiration pour ces frères à moi.
Ainsi apitoyé tu me quittes en riant.
 
[107]  
 
Ritorno ad ascoltare Bach —Ritorno
ad odorare la terra del giardino—
ritorno a pensare poesie e romanzi—ritorno
al silenzio che fa di un piovoso mattino
 
l'inizio del mondo di domani — intorno
a me ci sono gli spettri dei ragazzi di prima
che ti conoscessi—è passato il loro giorno,
e, como me, sono lontani dalla cima
 
dove il sole aveva reso gloriose
teste con altro taglio di capelli,
grembi stretti in altri calzoni.
 
Tu <ridi> del mio Bach, ed hai <pietose>
parole d'ammirazione per quei miei fratelli.
Così pietoso ridendo mi abbandoni.
 

Pier Paolo PasoliniL'Hobby del sonetto (le sonnet comme passe-temps) (1971-1972), première publication posthume, 2012Sonnets traduit de l'italien par René de Ceccatty. Éditions Gallimard 2012

 
Photo : Pier Paolo Pasolini et Ninetto Davoli à qui les 112 sonnets sur le mode élisabéthains sont adressés.
 
 
 
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