Chant d'amour et de mort pour l'amant noir
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Dein Haupt ist Sonne und werdender Mond,
"Tout vers devrait avoir deux devoirs : communiquer un fait précis et nous atteindre physiquement comme la proximité de la mer." Jorge Luis Borges
Mon père est pendu à l’étoile,
ma mère glisse avec le fleuve,
ma mère luit
mon père est sourd,
dans la nuit qui me renie,
dans le jour qui me détruit.
La pierre est légère.
Le pain ressemble à l’oiseau
et je le regarde voler.
Le sang est sur mes joues.
Mes dents cherchent une bouche moins vide
dans la terre ou dans l’eau,
dans le feu.
Le monde est rouge.
Toutes les grilles sont des lances.
Les cavaliers morts galopent toujours
dans mon sommeil et dans mes yeux.
Sur le corps ravagé du jardin perdu
fleurit une rose, fleurit une main
de rose que je ne serrerai plus.
Les cavaliers de la mort m'emportent.
Je suis né pour les aimer.
Edmond Jabès, Chanson pour le repas de l’ogre, dans Je bâtis ma demeure, Poèmes 1943-1957 Gallimard, 1959.
J’ignorais du tout au tout qu’il m’arrive de prier.
Une vieille femme et un chat ralentissent ce poème
où le jour hésitant se lève, elle étend la lessive
de son fils, qui depuis des années n’écrit plus.
L’ombre de nuages tâte le sol, des chevaux caracolent
vers la barrière, sans rien donner de leur beauté,
pas un mot. Neigeuses terrasses sous la lumière de l’aube.
Le présentateur du journal à la radio
je lui fourre dans la bouche un torchon mouillé de
psaumes et de kérosène: laisse-moi être comme je suis, mais avant fais
que je devienne ce que j’étais pour que je puisse attendre
jusqu’à m’en retourner auprès de ceux que j’ai laissés.
*****
Ich wusste gar nicht, dass ich manchmal bete.
Eine Katze und eine Alte verlangsamen dieses Gedicht,
in dem es zögerlich Tag wird, sie hängt die Wäsche
ihres Sohnes ab, der seit Jahren nicht mehr schreibt.
Wolkenschatten tasten den Boden ab, Pferde kommen
ans Gatter getänzelt, doch geben nichts ab von ihrer Schönheit,
kein Wort. Vom Frühlicht verschneite Terrassen.
Dem Nachrichtensprecher im Radio
stopfe ich den Mund mit einem Lappen, getränkt mit
Psalmen und Kerosin: Lass mich sein, wie ich bin, vorher mach,
dass ich werde, was ich war, damit ich warten kann,
bis ich wiederkomme mit denen, die ich verließ.
Ulrich Koch, Uhren zogen mich auf, poetenladen Leipzig 2013. Traduction inédite de Lionel Edouard Martin.
Découvert ici : https://lionel-edouard-martin.net/2021/01/06/ulrich-koch-ne-en-1966-jignorais-du-tout-au-tout-quil-marrive-de-prier-ich-wusste-gar-nicht-dass-ich-manchmal-bete/
Photo : Le vieux cheval, Rodolphe Dugay, gravure sur bois 1926