Top articles
-
Mon père me récitait des vers
Quand j'étais malade, moi, je n'avais pas peur. Le lit, j'y étais à mon aise et je me laissais aller. Je n'avais aucune envie d'aller courir, et, pour m'amuser, il y avait ce livre d'images que me proposait le plafond de la chambre, un théâtre qui changeait...
-
Camera obscura
Entre mes quatre murs provisoires en sapin quatre mètres sur cinq sur deux et demi dans ma chambre minuscule je suis seul seul avec une pomme cuite l'obscurité l'ampoule de soixante watts avec la Bundeswehr et le hibou seul avec le presse-papier en verre...
-
Vols
Vols I Un avion de chasse crache sa soie mortelle. Que de fils où s'enchevêtre ce monde laid ! Comment déchirera-t-il son cocon —pour s'envoler ? Vérité et métaphore, tout un : chenille et papillon. Ces papillons dits contingents : paumes qui applaudissent...
-
Aria I & Sauf-Conduit (Aria II)
ARIA I Où que nous allions sous l'orage de roses, la nuit est éclairée d'épines, et le tonnerre du feuillage, naguère si doux dans les buissons, est maintenant sur nos talons. Où toujours on éteint ce qu'enflamment les roses, la pluie nous emporte dans...
-
Si seulement l'odeur devenait connaissance
SI SEULEMENT L'ODEUR DEVENAIT CONNAISSANCE, si elle pouvait opérer un grand lavement de l'âme. Qui nous paralyse ? Sommes-nous des égarés dans la forêt des villes, Ayant allumé toutes les lumières sans effacer la nuit ? Il faudrait le feu à même la bouche...
-
Il me donna L'Iliade
Lis, dit l'homme en noir. Il me donna l'Iliade. J'allai m'asseoir sur la pierre du seuil. Les rossignols du lavoir chantaient encore. L'orage maintenant tenait tout le rond du ciel. Tout le jour se passa en silence ; toute la nuit. Le lendemain, le ciel...
-
Mais il faut être fou, mon enfant...
Mon bel enfant, As-tu trouvé des chimères ? Le marin que tu m'as envoyé m'a dit que tu étais imprudent. Cela m'a rassurée. Sois toujours très imprudent, mon petit, c'est la seule façon d'avoir un peu de plaisir à vivre dans notre époque de manufactures....
-
Un bonheur
CD BW Mon bonheur, c'est d'avoir retrouvé le dessin, la maison, les arbres, le dos voûté, la ressemblance. Quand à ce que j'écrivais, vous me tueriez, je ne pourrais pas vous le dire. Aujourd'hui, j'écris qu'elle dessinait. J'ai perdu la force d'écrire...
-
La chouette
(Ma mère) avait un penchant (qu'elle niait d'ailleurs) à voir dans tout ce que le monde voit banalement ce que n'y voit personne. Et je la comprends. Je tiens d'elle. Sa méfiance était constante, que surmontait, à l'improviste, une confiance qui contrariait...
-
La mémoire enfin
La mémoire, enfin, obtient ce qu'elle cherchait. Se retrouve ma mère, se révèle mon père. Je leur rêve une table, deux chaises. Assis, ils me sont à nouveau, et à nouveau vivants. Deux lampes des deux visages brillent à l'heure grise comme pour Rembrandt....
-
A l'est d'Erzerum
A l'est d'Erzerum, la piste est très solitaire. De grandes distances séparent les villages. Pour une raison ou une autre, il peut arriver qu'on arrête la voiture et passe la fin de la nuit dehors. Au chaud dans une grosse veste de feutre, un bonnet de...
-
Venise
(...) L'hiver dans cette ville, le dimanche surtout, vous vous réveillez au carillon de cloches innombrables comme si, derrière les rideaux de gaze, un gigantesque service en porcelaine vibrait sur un plateau d'argent dans le ciel gris perle. Vous ouvrez...
-
Tant que les arbres s'enracineront dans la terre
terrassé par l'amoncellement des saisons blanches je succomberai un jour je le sais mais il y aura quelque part un arbre le même qui remue ses branches dans mes poèmes un rônier aux feuilles roussies dont la sève coulera à flots je dormirai près de mes...
-
Élégie à John Donne
John Donne s'est endormi et tout dort autour de lui, dorment les murs, le plancher, le lit, les tableaux dorment la table, les tapis, les verrous, le cadenas, l'armoire toute entière, le buffet, les bougies, les rideaux. Tout dort. Les bouteilles, les...
-
Histoire/Historia
Nous montions en courant le long escalier. Nous regardions à peine les possibles détails sur les côtés, surprises d'une fenêtre ouverte au monde par-delà les vitres, reflets, sédiments du grimpeur précédent. Nous traversions rapidement la pause inutile...
-
Les justes
Un homme qui cultive son jardin, comme le souhaitait Voltaire. Celui qui est reconnaissant à la musique d'exister. Celui qui découvre avec bonheur une étymologie. Deux employés qui dans un café du Sud jouent une modeste partie d'échecs. Le céramiste qui...
-
Ivresse
Et je m'en vais comme un homme ivre parmi des pays chancelants et des livres où je ne sais plus lire que ton nom. Je m'en vais, les étoiles me portent. N'espère pas que je m'en sorte : l'azur me tient dans ses eaux mortes. J'ai les deux pieds au firmament....
-
La flamme
J'ai vu la flamme. Elle est partout, Dans ce que je regarde Quand pour de bon je le regarde. Elle y demeure et bouge A peine plus qu'un mot, Dans le morceau de zinc, le panneau de l'armoire, Le crayon, la pendule et le vin dans les verres, Dans le pot...
-
Et puisque je vogue vers la haute mer
Et puisque je vogue vers la haute mer et que le vent gonfle mes voiles, Je vous dis qu’il n’est rien, dans l’univers entier qui soit stable ; Tout fluctue, toute image qui se forme est changeante. Le temps même s’écoule d’un mouvement continu, Tout à...
-
Stances urbaines / Städtische Stanze
Le soleil est à nu, le goudron des rues fond, Un épervier, cri creux, laisse échapper ses peines. Dans l’été pâle et chaud, les hachements de sons D’un marteau-burineur, tambourant ses rengaines. Comme un affolement sur moi tout à coup fond — L’épervier...
-
Ici, soudain c'est l'oiseau de Siegfried qui chante
Pourquoi —et particulièrement lorsque je parcourais, à pied ou à bicyclette, l'Anjou du sud en 1932, et dix ans plus tard la Normandie de l'ouest, telle étape et parfois tel trajet seulement d'une heure au cours d'une étape, ont-ils fait pleuvoir sur...
-
Le mort mobile
Lorsque je tombe dans la tombe les pruneaux tombent à la ronde je nourris leur fruit déconfit mes tripes forment une bombe nourrissant l'arbre de ma nuit Ainsi je retourne à la terre et je deviendrai la poussière des chaussons que mon papa mit le silex...
-
Depuis tant d'années je lave mon regard
Pour Arp á d Szénes Depuis tant d'années je lave mon regard dans une fenêtre où ciel et mer depuis toujours sont sans s'interrompre où leurs vies sont un, sont innombrables sont une fois encore dans mon âme un champ magnétique d'épousailles une goutte...
-
J'ai envie qu'ils boivent.
Quelquefois, allongée sur mon lit, je pense que je vais mourir, que les êtres qui m’entourent vont mourir, et cela me donne envie d’entreprendre un millier de choses. Souvent, lorsque j’entends des gens me parler, je pense soudain qu’ils vont mourir et...
-
Une fin / Ein Ende
Je cherche une fin une fin où des mots se touchent au-delà du taire au-delà d'une trêve une fin où ce ne soient pas des pierres qui dans ma gorge constituent le poids du monde. * Ich suche ein Ende ein Ende an dem Worte sich berühren jenseits des Schweigens...