Top articles
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Une route en lacets
Que peut-on connaître du monde ? De notre naissance à notre mort, quelle quantité d’espace notre regard peut-il espérer balayer ? Combien de centimètres carrés de ma planète Terre nos semelles auront-elles touchés ? Parcourir le monde, le sillonner en...
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En route
Au bruit des roues tu peux entendre comme le temps se laisse facilement meuler. Dans un train par exemple qui t'emmène de maintenant vers quelque part en toi-même. Là sur l'acier de la structure, en dehors du wagon rouge qui nous porte, gît encore éventé...
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Déficeler la réalité toujours comme une botte de paille
Ton écriture en fibrilles, élans de la main et du vent dans les lettres. Tu existes. Tu ne fais pas semblant. Tes lettres d'amoureux datent de 1957. Des promesses de papier volent de Brussel à Oderzo, un champ de mots que rien n'assèche. Tu n'as écrit...
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Et je chante le Sutra Diamant...
(...) Ils restèrent trois jours à Kanzhu. Xingte en profita pour grimper sur le rempart, à l'angle sud-ouest de la forteresse. Du sommet, il pouvait voir un coin de la place du marché, devant la porte sud. Au-delà, l'immense étendue de la plaine herbeuse....
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Aimer, être aimée...
Aimer, être aimée ! Nos actes sont pathétiques. A l'époque où j'étais en seconde ou troisième année, à l'école de filles, dans une composition de grammaire anglaise, nous fûmes questionnés sur l'actif et le passif des verbes. Frapper, être frappé ; voir,...
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Les mots de tous les jours
Il faut se méfier des mots, ils sont toujours trop beaux, trop rutilants et leur rythme vous entraîne, prêt à vous faire prendre un murmure pour une pensée. Il faut tirer sur les mots sans cesse, de peur que ces trop bouillants coursiers ne s’emballent....
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Dans cette solitude, dans cette liberté
(...) L'été resplendissait de sa funeste ardeur : le soleil semblait s'être arrêté au milieu du ciel, les argiles, desséchés, se fendaient. Dans les fissures de la terre altérée se nichaient les serpents, les vipères courtes et trapues d'ici, au venin...
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Imitation de l'eau
De côté sur le drap, paysage déjà tellement marin, tu ressemblais à une vague couchée, sur la plage. Une vague qui s'arrêtait ou plutôt : qui se retenait ; qui retenait un instant son bruissement de feuilles liquides. Une vague qui s'arrêtait à cet instant...
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Ode
Prête-moi ton grand bruit, ta grande allure si douce, Ton glissement nocturne à travers l'Europe illuminée O train de luxe ! et l'angoissante musique Qui bruit le long de tes couloirs de cuir doré, Tandis que derrière les portes laquées, aux loquets de...
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Ou encore
Tout près de moi, ici dans la chambre que voici, tonton Josef apprend l'esperanto et pince de la guitare, à deux pas de là, tout près de moi, dans la quatrième dimension, tout près de moi et avec un pied, et avec un pied presque dans la troisième, tout...
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Pas d'échéance
Pas d'échéance pour l'homme trempé dans la parole Car la vie roule et hurle Plus folle que l'étreinte de la mort Plus fiévreuse que les cils du soleil Elle peut venir demain sursauter dans ma case Chasser la peine plaquée sur ma peau Illuminer ma cabane...
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Retrouver mon visage
j'aimerais bien retrouver mon visage il s'est perdu dans le malheur des foules un soir que j'étais distrait comme un singe égaré par les phases de la lune un soir que je détroussais la momie d'une amoureuse il y a cinq mille ans un soir que j'étais infidèle...
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Ni renard, ni croûton, ni patates
Il n'est pas là le vieux soleil, Aussi absent que quand on dort. Le champ a froid. Les feuilles sont sèches. Mal est ultime en cette lumière. Dans cet air morne les tiges brisées Ont des bras sans mains. Ont des troncs Sans jambes ou, pour cela, sans...
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Nous ne voulons pas être tristes
Nous ne voulons pas être tristes C'est trop facile C'est trop bête C'est trop commode On en a trop souvent l'occasion C'est pas malin Tout le monde est triste Nous ne voulons plus être tristes Blaise Cendrars, Feuilles de route, Au sans Pareil 1924 Image...
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Pardès
Au premier niveau il y a l'amour Littéralement : je t'aime Au deuxième : le manque Sens allusif Agressif É motif Sollicité : Le sens caché de Tes silences Au quatrième niveau il y a l'absence Le sens secret D'un être essentialisé D'un amour sans commentaire...
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La journée
La journée d'aujourd'hui est amère —comme le chanvre et comme le chemin. Comme les cailloux ronds qui roulent sous les eaux, qui ne vont nulle part, qui sont là quand l'eau passe. Et la journée d'hier fut vaine — comme le chanvre et comme le chemin. Gloire...
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Le soir/Lo ser
Quand j'ai fini de labourer le champ, je m'arrête un peu —ainsi faisait mon grand-père— et je m'assieds un moment sur la motte retournée. Bonne terre douce à toucher, fraîche comme le bord de l'eau, combien de fois ai-je mesuré mon corps de chair à ton...
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Brême éternité
Un jour on est une racaille à soupirs et à plaintes un jour danseur hilare on crève le temps aujourd'hui j'ai le cœur serré par cette fille de Brême haute et pâle aux cheveux noirs d'ivoire venue m'écouter lointaine mais visage offert et si belle que...
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XC
Then hate me when thou wilt ; if ever, now ; Now, while the world is bent my deeds to cross, Join with the spite of fortune, make me bow, And do not drop in for an after-loss. Ah, do not, when my heart hath'scaped this sorrow, Come in the rearward of...
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La réponse/La responsa
Alors vous m'appellerez. Comme la mère appuyée à la barrière appelle son fils dans le pré, vous m'appellerez du fond du cœur, avec votre voix claire, parmi les bois, dont l'écho résonne de val en val. Vous m'appellerez — comme la mère appelle son fils...
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Chansonnette optimiste/Optimistisches Liedchen
Il arrive de temps en temps que quelqu'un crie au secours. Déjà quelqu'un d'autre se jette à l'eau sans en attendre aucun retour. Au milieu du plus épais capitalisme les pompiers rutilants tournent la rue, éteignent le feu, ou le chapeau du mendiant soudain...
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Mémoire
Les morts en gare de Montbard Sous leur lit fleuri de pierre neuve Les dents serrées les yeux fermés Cherchent-ils à comprendre ? Les souvenirs sont faits De petits riens qui durent De petits rien très durs En travers de la gorge Le ciel bleu chaque soir...
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Le mystère
Retenant le soleil, surgissant des feuillages, Le mur fleurit, mais oui : le vieux mur qui oublie Les siècles de son âge et devient un instant Sous quelle main ? cette tartine de splendeur, Ce pain beurré d'une lumière d'outre-temps Dont le parfum survient,...
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Endroits, passages
I Comme une aveugle elle sourit à toutes les chaises vides, autour d'elle les gens les retirent et s'inclinent. Sa bouche remue, elle s'écoute avec ses lèvres, et devant elle il y a des cartes postales vierges. Elle courbe la tête, comme une tête courbée...
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Plus aucun souffle
Plus aucun souffle. Comme quand le vent du matin a eu raison de la dernière bougie. Il y a en nous un si profond silence qu'une comète en route vers la nuit des filles de nos filles nous l'entendrions. Philippe Jaccottet Leçons, novembre 1966-octobre...