Tenebrae

Publié le par Fred Pougeard

Nous sommes proches, Seigneur,
proches et saisissables.
 
Déjà saisis, Seigneur,
engriffés l'un en l'autre, comme
si la chair d'un chacun de nous était
ta chair, Seigneur.
 
Prie Seigneur,
invoque nous,
nous sommes proches.
 
Nous allions déviés par le vent,
nous allions nous courber
aux mares creuses des marais.
 
Nous allions à l'abreuvoir, Seigneur.
 
C'était du sang, c'était
ce que tu as répandu, Seigneur.
 
Ça brillait.
 
Ça nous jetait ton image aux yeux, Seigneur.
Yeux et bouches sont si ouverts, sont si vides, Seigneur.
Nous avons bu, Seigneur,
le sang et l'image qui était dans le sang, Seigneur.
 
Prie, Seigneur
Nous sommes proches.
 
*
 
Nah sind wir, Herr
nahe und greifbar.
 
Gegriffen schon, Herr,
ineinander verkrallt, als wär
der Leib eines jeden von uns
dein Leib, Herr.
 
Bete, Herr
bete zu uns,
wir sind nah.
 
Windschief gingen wir hin,
gingen wir hin, uns zu bücken
nach Mulde und Maar.
 
Zur Tränke gingen wir, Herr.
 
es war Blut, es war,
was du vergossen, Herr.
 
Es glänzte.
 
Es warf uns dein Bild in die Augen, Herr.
Augen und Mund stehn so offen und leer, Herr.
Wir haben getrunken, Herr.
Das Blut und das Bild, das im Blut war, Herr.
 
Bete, Herr.
Wir sind nah.
 
Paul Celan (1959) dans Poèmes, traduits de l'allemand par John E Jackson, Editions Unes 1987
 
Photo : Paul Celan (1963) par Lüfti Özkök
 
 
 
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