La quintessence

Publié le par Fred Pougeard

Malgré la douleur, j'ai tout de même décidé de monter sur la colline pour regarder le monde d'en haut. Les choses seraient sans doute à leur place. Cela m'apaiserait peut-être, ma gorge se dénouerait et je me sentirais mieux. Je ne regrettais nullement Grand Pied. Mais en apercevant de loin sa maison, j'ai repensé à son corps de kobold inanimé dans son costume marron, puis j'ai songé aux corps bien en vie de mes amis, heureux dans leur maison. Et soudain, tout m'a semblé voilé d'une infinie tristesse, difficile à supporter : mon pied, moi-même, le corps maigre, anguleux, de Matoga. En contemplant le paysage noir et blanc du plateau, j'ai compris combien la tristesse était un mot important dans la définition du monde. Elle se trouve à la base de tout, elle est le cinquième élément, la quintessence.
 
Olga Tokarczuc, Sur les ossements des morts, traduit du polonais par Margot Carlier. Les éditions Noir sur blanc, Lausanne 2012.
Citation p.57 du format poche paru chez Libretto
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