Se regardant aller par des chemins teigneux qui trouent les taillis, la friche, font cicatrice sur le coteau, grimpent et grimpent infiniment. Marchant pour gagner ces franges de fusion et peut-être s'y défaire. Mais éprouvant de plus en plus le sentiment d'un abrasement minutieux par l'esprit rêche du lieu : ces myriades de présences indiscernables et zonzonnantes, détachant des écailles d'être à petits coups de griffes, si légers qu'il ne les sent qu'à peine, jugerait même parfois que ce ne sont qu'espiègles lècheries de vent ; découvrant alors, et sans qu'il ait velléité de la moindre rébellion, qu'il s'amenuise maintenant, que son existence s'effrite dans l'arène, la sphaigne, l'ornière, la fétuque et la bruyère, dans l'air, la lumière, qu'il ne sera plus tantôt que la limaille d'une espérance : celle, plus têtue et qu'instinct de survie pourtant, de laper à même le ciel, là-haut.
Et que, ne faisant plus qu'un, désormais, avec tout ce que le temps rend à la poussière, il se comble d'immobilité délestée, de durée insoucieuse.
Bernard Blot, Le Plateau, avec des gravures de Guy Teste. Editions du Moulin du Got, 2007