Piccolo Testamento/Petit Testament

Publié le par Fred Pougeard

Cette lueur qui veille la nuit
dans la calotte de ma pensée,
trace nacrée de limace
ou poussière de verre écrasé,
n'est pas lampe d'église ou d'usine
qu'alimente
rouge ou noir, un clerc.
Moi je ne peux te laisser
que l'irisé en témoignage
d'une foi qui fut combattue,
d'une espérance qui brûla, plus lente
qu'une souche dure dans l'âtre.
Conserves-en la poudre dans ton miroir
quand, toute lampe éteinte,
la sardane deviendra infernale
et qu'un Lucifer ténébreux descendra sur une proue
de la Tamise, de l'Hudson, de la Seine,
en secouant ses ailes de bitume à moitié
brisées de fatigue, pour te dire : il est l'heure.
Ce n'est pas un héritage, ni un porte-bonheur
pouvant résister au choc des moussons
sur le fil d'aragne de la mémoire,
mais une histoire ne dure que dans la cendre
et seul s'éteindre est persister. 
Le signal était juste : qui l'a perçu
ne pourra manquer de te retrouver.
Chacun reconnaîtra les siens : l'orgueil
n'était pas fuite, ni l'humilité
veulerie, l'éclair tenu craqué là-bas
n'était pas celui d'une allumette.
 
12 mai 1953
 
Eugenio Montale, La Tourmente et autres textes (1939-1954), 1ere édition 1956 dans Poèmes choisis (1916-1980), édition de Patrice Dyerval Angelini, Gallimard 1991
 
Photo : Eugenio Montale, 1956 copyright Archivio Farabola
 
 
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