À cette hauteur où le vent souffle toujours froid...
À cette hauteur où le vent souffle toujours froid, où le mystère
devient presque palpable, d’une proximité, d’une densité troublantes,
j’aimerais pouvoir rejoindre en toi l’étincelle qui est au centre de
l’âme, ce sens intérieur qui dépasse ta simple histoire, qui peut
atteindre et pénétrer ces profondeurs insoupçonnées, les envelopper
d’une connaissance muette qui rejoint les moments de prière où
rien ne cherche à se dire, où la plénitude est telle, où la présence qui
te porte est si intensément réelle qu’elle suffit à te combler.
*
Combien de fois, éveillé avant le jour, sous les arbres encore sombres,
me suis-je laissé gagner par la grandeur des aubes où les montagnes
se déplient une à une, comme des pétales mauves sur une tige invisible.
Devant ces masses immobiles et solennelles, puissantes mais sans fierté,
sans violence aucune, légères même dans le poudroiement de l’azur,
il n’y a plus que cette explosion de silence à recueillir, cette éclosion
d’un premier jour qui rouvre les yeux, effleure le front d’une fraîcheur
éternelle.
Un souffle irrésistible alors me soulève. D’un centre unique à toute la
Création, il me semble participer à cette force ininterrompue, à cette
Âme enfouie qui travaille à notre insu.
Tout est en nous. Mais le plus intime de nous reste un au-delà.
Tout est là déjà… mais tout le reste à accomplir, dans une prodigieuse
efflorescence qui nous dépasse infiniment.
Philippe Mac Leod, L'infini en toute vie. Editions Ad Solem, Saulges. 2008
Photo : Arno Brignon