Chronique

Publié le par Fred Pougeard

I
 
Dans ma maison,
J'ai table ouverte pour le temps.
 
J'y sacrifie,
Comme il se doit.
 
J'y sacrifie
Ce qui me lie à du malheur.
 
J'y sacrifie
Ce que le temps veut pour s'ouvrir.
 
Je sacrifie à cet instant
Qui sera temple.
 
II
 
Les fondations du temple
Etaient déjà posées.
 
Et c'étaient tous ces jours
Vécus en prévision,
 
Restés tissés entre eux,
Autour de moi,
 
Dans ma maison.
 
III
 
Un même et seul lieu :
C'est la place où vivre
L'instant que je tiens.
 
Plus de lieux perdus,
Rien que tous les lieux
Résonnant de soi
Pour former la sphère
 
Dont je suis le centre
Et tous les autres points.
 
IV
 
Bonnes
Sont alors les choses.
 
Manger est bon.
Se coucher est bon.
Accepter, donner.
 
Ne rien faire
Est bon.
 
Le pain, le vin
Sont notre résumé.
 
Le passant même
Est notre fruit.
 
V
 
A cet instant qui va
Maintenant me quitter,
 
J'aurai donné noblesse
Et le droit de mourir
 
Sans vouloir se venger
Sur ceux qui le suivront.
 
VI
 
L'instant s'en va,
Me laisse temple comme avant,
Pour l'autre instant :
 
Celui qui suit
Ou qui viendra.
 
VII
 
L'instant que j'ai tenu
Est porté sur la courbe
Qui tend vers un total.
 
Je porte la mémoire
Du destin de la courbe.
 
Eugène Guillevic Avec Editions Gallimard 1966
 
 
 
 
 
 
 

 

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