Une heure de jour en moins
J'ai enfin récupéré l'heure
à moi volée au printemps dernier.
Qu'en ont-ils fait ?
Remisée dans un affreux garde-meuble glacé ?
Dans le nord, un fermier voisin a refusé de changer
l'heure de ses horloges, et dit :
"Je m'en remets au temps de Dieu."
En ce moment, tout le monde semble connaître Dieu
très personnellement. Dieu conseille même aux jeunes
filles de se limiter aux pelotages intimes et d'éviter
ce qu'elles appellent l'"authentique pénétration".
Je ne reçois apparemment pas ces instructions
qui me disent de partir à la guerre et de ne pas mater
les fesses d'une femme mariée lorsqu'elle se penche
pour prendre un paquet sur le siège arrière de sa
voiture. Je bosse dans une école aux maîtres
invisibles, le marmonnement divin tout à fait inaudible,
le chuchotis des vents solaires filant à dix millions
de kilomètres/heure. Le lapin mort
sur la route m'a parlé hier, comme l'aile de chouette
au garage, sans doute arrachée par un autour.
Dans le seau à glace essayons de choisir
avec soin le bon glaçon.
Jim Harrison, Une heure de jour en moins. Poèmes choisis 1965-2010. Traduit de l'anglais (américain) par Brice Matthieussent. Flammarion 2012.